Dernière mise à jour le 29/11/2020

Airbnb : Paris assigne les propriétaires de résidence principale !

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Depuis le mois d’octobre 2020, la ville de Paris assigne les propriétaires de résidence principale au titre de leur activité de location saisonnière airbnb en sollicitant leur condamnation à une amende civile pouvant aller jusqu’à 15 000€ !

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Depuis le mois d’octobre 2020, la Ville de Paris a renforcé la chasse aux fraudeurs de meublés touristiques en s’intéressant pour la première fois aux propriétaires de résidences principales. Celle-ci désormais n’hésite plus à les assigner en justice si elle les suspecte de louer leur logement en meublé touristique au-delà de la limite légale fixée à 120 jours /an, en leur réclamant une somme pouvant atteindre 15.000 € sur le fondement de l’article L324-1-1 IV et V du Code du tourisme. 

Initialement, la Ville de Paris assignait depuis 2017 les seuls propriétaires qui louaient leur résidence secondaire en meublé touristique sur une plateforme de type airbnb, faute de respecter la procédure de changement d’usage de leur lot soumis imposé par les articles L 631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation , prétextant de sa volonté de lutter contre la pénurie de logements sur son territoire.

A Paris, la procédure de changement d’usage étant soumise au mécanisme de compensation par combinaison des articles L 631-7 et L631-7-1 alinéa 1 du code précité, un grand nombre de propriétaires ont préféré s’affranchir des règles dès lors que ce dispositif peut se révéler extrêmement coûteux et peu accessible tant le régime est compliqué à comprendre.

Pour autant la violation de la règlementation applicable en matière de location saisonnière n’est pas anodine. Si l’amende civile était initialement fixée à 25.000 €/ meublé objet du manquement, celle-ci est passée à 50.000 € depuis la loi du 18 novembre 2016 (L 651-2 du code précité).

Par cet article, Me DERHY Lorène, l’un des principaux adversaires de la Ville de Paris et défenseur des propriétaires, vous rappelle la règlementation en la matière, vous explique comment la ville est informée de l’illicéité de votre activité, vous expose les sanctions auxquelles vous vous exposez, et vous indique à titre illustratif les moyens pour vous défendre que notre cabinet pourrait opposer en justice pour voir rejeter ou minimiser votre condamnation le cas échéant.

1. Comment louer licitement ma résidence principale sur une plateforme de type Airbnb ?

Les meublés de tourisme sont définis par l’article L 324-1-1 alinéa 1 du Code du tourisme comme des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois .

Qu’est-ce qu’une résidence principale ?

 L’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 définit la résidence principale comme le logement occupé au moins 8 mois par an, sauf pour des raisons professionnelles, de santé ou en cas de force majeure.

Puis-je louer de manière illimitée ma résidence principale en meublé touristique sur une plateforme de type airbnb ?

 Si les propriétaires de résidences secondaires sont astreints au respect de la procédure de changement d’usage fixée par l’article L 631-7 précité, il en va différemment pour ceux qui souhaitent louer leur résidence principale. Ces derniers sont dispensés d’une telle procédure mais sont contraints de respecter une durée de location de maximum 120 jours par an, sauf juste motif, conformément à l’article L 324-1-1 IV du Code du tourisme.

Autrement dit, il est possible de louer sa résidence principale en meublé touristique moins de 4 mois par an ou encore 10 jours par mois, sans avoir à effectuer des démarches particulières.

Toutefois, la Maire, Anne Hidalgo, souhaite voir réduire cette limite légale à 30 ou 60 nuitées au maximum par la mise en place d’un référendum qu’elle envisage de faire d’ici l’été 2021 pour faire pression sur le gouvernement. 

Dans quels cas puis-je louer plus de 120 jours/an sur une plateforme de type airbnb ?

 En application de l’article L324-1-1 IV du Code du tourisme, il est possible de louer sa résidence principale plus de 120 jours dès lors que l’hôte prouve une absence de plus de 4 mois dans l’année pour :

  • un problème de santé
  • des raisons professionnelles
  • un cas de force majeure

Attention, il est toujours possible de louer une chambre privée dans sa résidence principale tout au long de l’année à condition de respecter certaines formalités imposées aux chambres d’hôtes.

Dois-je respecter d’autres formalités en ma qualité de loueur de meublé touristique ?

Depuis 2017, à Paris le loueur a l’obligation de déclarer son meublé touristique auprès de la Ville, quand bien même il s’agirait d’une résidence principale. Cette obligation peut également s’appliquer dans toutes les communes qui ont instauré une procédure de changement d’usage soumise à autorisation si elles le souhaitent.

A l’issue de cette déclaration, le propriétaire obtient un numéro d’enregistrement à 13 chiffres qui doit être reporté sur toutes les annonces aux termes desquelles le bien est offert à la location touristique.

Surabondamment, avant de louer sa résidence principale en meublé touristique, il est indispensable de vérifier préalablement son règlement de copropriété pour éviter de se voir assigner par son syndic ou tout copropriétaire si celui-ci indique que l’immeuble est exclusivement bourgeois. L’aide d’un avocat est primordiale à ce stade.

Enfin, s’il est locataire, il doit obtenir l’accord de sous-location et du montant du sous-loyer de son bailleur par écrit, lequel ne peut être supérieur au loyer principal, faute de se voir exposer attraire en justice par ce dernier.

2. Comment la ville de Paris est au courant de mon activité de location saisonnière airbnb ?

Au titre de l’article 9 du Code de la procédure civile, il incombe à la Ville de Paris de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Eu égard le nombre exponentiel d’infractions, la Direction du logement et de l’habitat dépendant de la Mairie de Paris a mis en place, dès la fin d’année 2017, plus d’une trentaine d’agents assermentés, lesquels sont chargés de procéder à des contrôles aléatoires.

Elle dispose ainsi principalement de quatre moyens pour présumer de l’illicéité de votre activité :

  • votre annonce constatée sur la plateforme de type airbnb au regard du nombre importants de commentaires qui permettent d’attester de la fréquence de votre activité mais aussi de son antériorité,
  • la présence ou non du numéro d’enregistrement auprès de son service ou sur l’annonce
  • la dénonciation de votre activité par des voisins ou le syndic de votre immeuble
  • la visite fortuite et aléatoire

Par ailleurs, depuis la convention de partenariat du 28 avril 2016 entre la DRFIP de Paris et la Ville, les agents peuvent interroger les services fiscaux et savoir si le bien litigieux constitue ou non votre résidence principale mais également les revenus que vous avez déclarés au titre de cette activité.

Surabondamment, depuis le 1erdécembre 2019, elle peut également interroger directement les plateformes et les conciergeries de lui transmettre la liste de tous les meublés touristiques qu’ils gèrent, – y compris ceux dont ils n’ont plus la gestion-, dans un délai d’un mois, faute de quoi elles s’exposent à une amende de 50 000 €/meublé objet du manquement (L324-2-1 III du Code du Tourisme).

 En conséquence, il semble désormais acquis qu’il est très difficile d’échapper à une poursuite de la Ville de Paris, dès lors qu’elle dispose de véritables moyens coercitifs pour connaître la réalité de votre infraction.

Une fois l’infraction suspectée, l’agent adresse en principe un courrier au présumé contrevenant afin qu’une visite soit organisée dans son logement ou sollicite certaines pièces. Cette visite ou les pièces recueillies lui permettent de consolider ses constatations et de dresser un constat d’infraction à son encontre le cas échéant.

 De nombreux propriétaires ne répondent pas au courrier espérant que leur affaire soit classée sans suite ou y répondent avec une grande légèreté. La réalité est que cette première étape est primordiale pour votre défense et ne doit absolument pas être négligée car elle permettra d’attester de votre bonne foi et coopération. En effet, votre comportement constitue un élément décisif pour votre défense et pour minorer le montant de votre amende, si vous êtes ensuite assigné en justice.

3. Quelles condamnations peut solliciter la ville de Paris à mon encontre en cas de violation de la règlementation airbnb ?

En cas de procédure judiciaire, en application de l’article L 324-1-1 du Code du tourisme, le contrevenant peut se voir exposer à une amende pouvant aller jusqu’à : 

  • 5 000€ en cas de défaut d’enregistrement,
  • 10 000€ en cas de location de plus de 120 jours/an, s’il ne justifie d’aucun motif probant

Également, depuis le 1erdécembre 2019, la Ville de Paris – ainsi que toutes les communes qui ont mis en œuvre la procédure d’enregistrement de déclaration préalable -peut, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle le meublé a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le décompte de nuitées. Le loueur a un délai maximal d’un mois pour lui répondre, faute de quoi il s’expose à une amende maximale de 10 000 €.

 Par ailleurs, des sanctions pénales sont possibles en cas de fausse déclaration, dissimulation ou tentative de dissimulation des locaux soumis à déclaration, à savoir 5 ans d’emprisonnement et une amende de 75 000 euros, en application de l’article 441-2 du Code Pénal.

4. Comment me défendre face à une assignation de la Ville de Paris au titre de mes locations airbnb?

Quels sont les critères retenus par le Tribunal pour rejeter la demande de condamnation de la Ville de Paris au titre de mon activité airbnb ?

La ville de Paris peut voir son action rejetée par le tribunal judiciaire si le potentiel fraudeur parvient à démontrer qu’il a été contraint de louer sa résidence principale plus de 4 mois s’il justifie :

  • d’un problème de santé
  • des raisons professionnelles
  • un cas de force majeure, lequel consiste en un événement imprévisible, irrésistible et échappant au contrôle des personnes concernées.
  • l’insuffisance de preuve de la ville de Paris pour rapporter l’infraction
  • d’avoir respecté la limite légale de 120 jours/an

Quels sont les critères retenus par le Tribunal pour réduire le montant de l’amende sollicité par la ville de Paris pour mon activité airbnb?

Les procédures n’ayant été initiées par la ville de Paris que très récemment à l’encontre des propriétaires de résidence principale, il n’existe pas de jurisprudence à ce jour.

Néanmoins, il est aisé de supputer que les critères retenus pour diminuer le quantum de l’amende seront sensiblement similaires à ceux dégagés par la jurisprudence à l’encontre des propriétaires de résidences secondaires, avant le gel des procédures qui a été ordonné suite à un arrêt du 15 novembre 2018 de la Cour de Cassation.

Par une étude précise de mon cabinet de la jurisprudence, constituent des circonstances atténuantes :

  • les revenus procurés par les locations illicites
  • la déclaration des revenus litigieux auprès du service des impôts
  • le nombre d’appartements loués par le loueur
  • la durée de l’infraction et sa fréquence
  • le règlement de copropriété,
  • le profil du contrevenant : retraité, chômage, personne en situation d’handicap Est-ce des revenus pour financer des études ? d’appoint ?
  • la bonne foi : régularisation rapide après une opération de contrôle, ou la coopération lors d’une opération de contrôle, la désactivation des annonces dès réception de la lettre de la Ville ou à la suite d’une opération de contrôle

6. La procédure initiée à l’encontre des loueurs airbnb par la Ville de Paris est-elle suspendue jusqu’à l’arrêt de la cour de cassation pour les résidences principales ?

Rappel du gel des procédures initiées par la Ville de Paris contre les loueurs airbnb.

 

Pour les communes de plus de 200.000 habitants, dont fait partie la ville de Paris, le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage soumis à une autorisation au sens de l’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation. 

Dans un arrêt rendu le 15 novembre 2018 n°17-26156, la Cour de cassation a transmis une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne aux fins d’apprécier la conformité de la réglementation française encadrant la location saisonnière des résidences secondaires au droit européen. Dès lors, toutes les procédures qui ont été initiées à l’encontre des potentiels fraudeurs pour avoir loué leurs résidences secondaires sans avoir respecté la procédure de changement d’usage ont été gelées dans l’attente de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.

Après un gel des procédures depuis presque deux ans, la Cour européenne a enfin rendu sa décision tant attendue le 22 septembre 2020, aux termes de laquelle elle a confirmé que le régime d’autorisation français était bien conforme dans son principe au droit européen dès lors qu’il répond à un objectif de pénurie de logements destinés à la location longue durée.

 Toutefois, la Cour européenne a invité la juridiction nationale étant la Cour de cassation, à apprécier concrètement si le mécanisme d’autorisation soumise à compensation instauré par la Ville de Paris respecte ou non l’ensemble des critères européens qu’elle a dégagés, à savoir notamment s’il est bien justifié par rapport à l’objectif de lutte de pénurie de logements poursuivi, proportionné, accessible et non discriminatoire. 

Par cette même occasion, elle a précisé que les communes devront faire chacune ce même travail d’un point de vue local. 

 Soucieuses d’une bonne administration de la justice, l’ensemble des juridictions du premier et second degré ont toutes prononcé le sursis à statuer jusqu’à l’arrêt à intervenir de la Cour de cassation (RG n°17-26156), lequel est attendu pour fin janvier 2021 en principe.

 

Quid des propriétaires de résidences principales ?

 Ainsi, se pose la question de savoir si les tribunaux prononceront également le sursis à statuer pour les propriétaires de résidence principale au titre de leur activité airbnb.

 La Ville de Paris se fonde sur les dispositions de l’article 324-1-1 III et IV du Code du Tourisme pour condamner les propriétaires de résidence principale, lequel est connexe à l’article L 631-7 du CCH.

 En effet, l’article 324-1-1 III précise que dans les commune où le changement d’usage des locaux d’habitation est soumis à autorisation préalable, le conseil municipal peut décider de mettre en place une procédure d’enregistrement préalable du meublé de tourisme auprès de la commune, qu’il s’agisse d’une activité exercée au sein d’une résidence secondaire ou principale.

 Le IV de l’article précité précise que le propriétaire d’une résidence principale située dans une commune ayant instauré une procédure d’enregistrement préalable du meublé de tourisme, ne pourra y exercer son activité de location meublée de courte durée que dans la limite de 120 jours par an (sauf juste motif).

 Qu’en conséquence les obligations qui s’imposent aux loueurs de résidence principale tant au regard de la limite légale de 120 jours que de la déclaration du meublé  sont conditionnées par l’application de la procédure de changement d’usage prévu par l’article L 631-7 à L 631-9 du CCH.

 Dans l’hypothèse où la Cour de cassation invaliderait le dispositif parisien encadrant la location saisonnière des résidences secondaires, il est aisé de supputer que seront rejetées ou déclarées comme réputées non écrites, par voie de conséquence, les obligations incombant aux propriétaires de résidences principales dès lors qu’elles découlent directement de l’application des articles L 631-7 et suivants du code précité. 

    Ainsi, il est raisonnable de penser que le sursis à statuer jusqu’à l’arrêt de la cour de cassation concernera également les résidences principales en raison de la connexité entre les articles L631-7 du CCH et suivant et  L324-1-1 du Code du tourisme.

    7. L’assistance d’un avocat est-elle nécessaire ?

    L’assistance d’un avocat est obligatoire pour ce type de procédure depuis le 1erjanvier 2020. En outre, il est recommandé de se faire assister par un avocat spécialisé en location saisonnière dès lors que la matière est complexe et est en constante évolution. Notre Cabinet se tient à jour de la jurisprudence très régulièrement sur la matière.

    Expert pour le Figaro Immobilier

    Intervention de Me DERHY pour le Figaro

    Principal adversaire de la Ville de Paris, le cabinet DERHY AVOCAT, spécialisé en location saisonnière de type airbnb, pourra vous aider à préparer votre défense dès lors que des outils existent pour faire rejeter ou minorer le montant de l’amende sollicitée. Pour ce faire, un rendez-vous vous sera donné afin de procéder à une étude personnalisée de votre affaire en fonction des éléments de votre dossier.

     

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