La loi Le Meur du 19 novembre 2024, parue au journal officiel le 20 novembre 2024 et adoptée le 21 novembre 2024, introduit des mesures ambitieuses pour rétablir l’équilibre entre l’attractivité économique des locations meublées touristiques et l’urgence de préserver l’accès au logement. Ces nouvelles dispositions ont modifié la règlementation des meublés touristiques en renforçant les pouvoirs des collectivités locales, alourdissent les obligations des propriétaires et renforcent les sanctions financières.
Contexte de la loi Le Meur du 19 novembre 2024
Cette réforme s’attaque aux abus qui déséquilibrent le marché locatif par la prolifération des locations meublées touristiques, notamment à Paris, tout en renforçant les outils des collectivités locales pour agir efficacement.Elle impacte tous les acteurs de l’immobilier.
Cet article vise à vous présenter succinctement les 5 changements majeurs de cette nouvelle loi, qui impactent directement la réglementation des locations touristiques.”
1. Assignation de la Ville de Paris pour la location de courte durée des résidences secondaires : un outil facilité et renforcé
Depuis l’adoption de la loi Le MEUR le 19 novembre 2024, la Ville de Paris, en première ligne, ainsi que toute autre commune qui le souhaite, dispose désormais de moyens renforcés pour intensifier ses politiques de contrôle. Elle peut multiplier les assignations judiciaires à l’encontre des loueurs de meublés touristiques, qu’il s’agisse de propriétaires, de locataires, ou même d’intermédiaires tels que les conciergeries ou les plateformes de location.
Cette mesure vise à responsabiliser l’ensemble des acteurs du secteur et à garantir une meilleure conformité aux règles locales et nationales.
– Sur le net assouplissement de la charge de la preuve de l’usage d’habitation par la Ville ou toute commune
Auparavant, les villes comme Paris rencontraient des difficultés pour prouver l’usage d’habitation des biens au 1ᵉʳ janvier 1970, faute notamment d’une fiche H2 indiscutable et d’autres pièces venant lever son incertitude.
C’est dans ce contexte que mon cabinet a pu remporter plus de 90% de victoires dans les litiges qu’il a été amené à traiter jusqu’à la fin de l’année 2024.
Désormais la loi Le Meur élargit la période de la preuve de l’usage d’habitation d’un local en modifiant l’article L 631-7 du Code de la construction et de l’habitation, à :
- Une date comprise entre le 1Er janvier 1970 et le 31 décembre 1976; ou
- Tout moment au cours des 30 dernières années précédant une demande d’autorisation ou une contestation.
Cette réforme donne un nouvel élan à la Ville de Paris pour multiplier les assignations judiciaires, en ciblant les locations illégales et en renforçant son contrôle. Ce renforcement de la réglementation marque un tournant décisif pour la Ville, qui peut désormais agir avec plus d’efficacité et de rapidité.
– Sur le renforcement des amendes exigibles par la Ville en cas d’infraction à la procédure de changement d’usage
L’amende maximale pour non-respect de la règlementation a été doublée, passant de 50 000 € à 100 000 € suite à la modification de l’article L 651-2 du Code précité.
Les intermédiaires, comme les conciergeries et plateformes, sont désormais visés par une amende dont le montant est de 100.000 € /local en infraction.
Par ailleurs, depuis un arrêt du 11 juillet 2024 n°23-13.789, la cour de cassation a retenu l’amende devait être soumise « au principe de personnalité et d’individualisation de la peine, ce qui fait obstacle en la matière à toute condamnation in solidum ». Autrement dit, un couple marié propriétaire d’un bien peut se voir désormais assigner chacun à une amende de 100.000 euros.
2. Sur l’abaissement de la durée de location de courte durée des résidences principales et le renforcement des sanctions
– Sur la réduction de la limite légale de 120 jours de location/an autorisés
La loi a modifié l’article L 321-1-1 du Code du tourisme, en permettant désormais aux communes, sur délibération motivée, de réduire la limite annuelle de location d’une résidence principale, actuellement fixée à 120 jours, jusqu’à 90 jours. Elles pourront également sur délibération soumettre à autorisation tous types de locaux qui ne seraient pas à usage d’habitation
– Sur le renforcement des sanctions exigibles par la Ville en cas d’infraction
Pour toute location dépassant le seuil annuel, l’amende maximale passe de 10 000 € à 15 000 € par année de dépassement. Ce durcissement vise à limiter les abus, en particulier dans les zones à forte pression locative.
3. Sur l’enregistrement généralisé de son local en meublé de tourisme et les sanctions renforcées
L’obligation d’enregistrement en mairie est étendue à toutes les locations, qu’elles concernent des résidences principales ou secondaires. Les amendes associées sont également renforcées :
- 10 000 € pour absence d’enregistrement.
- 20 000 € pour un faux numéro d’enregistrement. Ces sanctions visent à encadrer l’activité et à responsabiliser les acteurs de ce marché en plein essor.
4. Sur une potentielle interdiction de l’activité de location courte durée en copropriété facilitée
L’interdiction des locations meublées de courte durée au sein des copropriétés est désormais nettement simplifiée, offrant un outil plus accessible aux syndicats des copropriétaires pour préserver la tranquillité des immeubles résidentiels., comme exposé ci-après.
– Sur l’autorisation ou l’interdiction de la location de courte durée dans les nouveaux règlements de copropriété
La loi LE MEUR a modifié la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Elle a ainsi créé un nouvel article 8-1-1 qui impose désormais que « Les règlements de copropriété établis à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale mentionnent de manière explicite l’autorisation ou l’interdiction de location de meublés de tourisme, au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code de tourisme. »
– Sur la nouvelle majorité allégée pour interdire l’activité de location saisonnière en copropriété
Elle a également modifié l’article 26 d) de la loi précitée, comme suit :
« Sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant :
- d) La modification du règlement de copropriété qui concerne l’interdiction de location des lots à usage d’habitation autres que ceux constituant une résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, en meublés de tourisme au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.
La modification prévue au d du présent article ne peut être décidée que dans les copropriétés dont le règlement interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale ».
- Par cette nouvelle rédaction, les assemblées générales de copropriétaires pourront désormais interdire les locations meublées touristiques à la majorité des 2/3, et non plus à l’unanimité comme c’était le cas jusqu’à présent.
- Cette nouvelle majorité s’applique uniquement dans les immeubles où le règlement de copropriété interdit toute activité commerciale dans les lots à usage non commercial ou encore dans les immeubles à destination bourgeoise, c’est-à-dire composés de logements et au sein desquels sont autorisés les activités professionnelles et/ou libérale.
- Cette disposition ne concerne ni les résidences principales ni les locaux à usage commercial.
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Quel est l’impact de cette nouvelle majorité dans les grandes villes?
Dans les grandes villes, l’impact de cette réforme demeure limité, car l’activité de location saisonnière, qu’elle inclue ou non des services para-hôteliers, est régulièrement qualifiée d’activité commerciale.
En effet, dans les immeubles à destination bourgeoise, cette qualification commerciale entraîne une interdiction de principe de l’exercice d’une telle activité, comme l’a récemment rappelé par plusieurs décisions le Tribunal judiciaire de Paris en date des 23 février 2024 n°21/11598 ; 29 février 2024 n°21/03182 ; 29 février 2024 n°22/02312 ; 4 avril 2024 n°22/02674.
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Quid de cette nouvelle majorité pour les autres communes ?
Au contraire, dans des villes vacancières, la Cour de cassation dans un arrêt du 25 janvier 2024 n°22-21.455 a jugé qu’une activité de location saisonnière était par nature civile si le loueur n’offrait pas de service para-hôtelier au sens de l’article 261 D 4° du Code général des impôts ; ce qui permettait son exercice dans les logements.
Par application de cette nouvelle loi, les syndicats des copropriétaires peuvent désormais interdire cette activité, même si elle est reconnue comme civile et ne contrevient pas à la destination de l’immeuble.
– Sur la notification obligatoire de l’exercice de l’activité de location de courte durée au syndic
La loi le MEUR a introduit un nouvel article 9-2 dans la loi du 10 juillet 1965, faisant peser une nouvelle obligation pour les propriétaires, comme suit « Lorsqu’un lot de copropriété fait l’objet de la déclaration prévue à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, le copropriétaire ou, par son intermédiaire, le locataire qui y a été autorisé en informe le syndic. Un point d’information par le syndic relatif à l’activité de location de meublés touristiques au sein de la copropriété est inscrit à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale. »
Cette transparence permet de prévenir les conflits et d’assurer un suivi rigoureux des activités locatives dans les immeubles en copropriété.
5. Sur l’obligation de produire un diagnostic de performance énergétique (DPE)
Ces mesures visent à améliorer la qualité énergétique des logements et à éviter que des biens énergétiquement inefficaces ne soient détournés vers la location touristique pour échapper aux obligations du marché locatif classique.
– Sur les interdictions progressives selon la classe énergétique du meublé de tourisme :
Les propriétaires de meublés touristiques doivent désormais se conformer aux mêmes exigences de performance énergétique que les locations traditionnelles.
- 2025 : Interdiction de louer des logements classés G.
- 2028 : Interdiction de louer des logements classés F.
- 2034 : Obligation pour tous les meublés touristiques de disposer d’un DPE classé entre A et D.
Toutefois, ces règles ne s’appliquent pas si le logement constitue la résidence principale du propriétaire.
– Sur les mesures de contrôle de la Commune et les nouvelles sanctions :
- Obligation de fournir le DPE : Le maire peut exiger la transmission du DPE en cours de validité dans un délai de 2 mois. En cas de non-respect, une astreinte administrative de 100€ par jour passé ce délai pourra être appliquée.
- Amende administrative allant jusqu’à 5000€ par logement concerné en cas de non conformité
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En conclusion, pour éviter une assignation de votre commune afin d’éviter d’être condamné à de potentielles amendes, les propriétaires doivent :
- Se conformer au DPE et améliorer la performance énergétique des biens concernés.
- Arrêter toute activité non conforme et supprimer les annonces illégales.
- Se renseigner sur les limites de jours de location dans leur commune