Une victoire nuancée face à la Ville de Paris : l’exigence de la preuve stricte en matière de changement d’usage
Par jugement du 26 octobre 2022 (n°22/55730), le Tribunal judiciaire de Paris a intégralement débouté la Ville de Paris de ses prétentions fondées sur un prétendu changement d’usage illicite, faute pour cette dernière d’avoir apporté la preuve – pourtant essentielle – de l’affectation du bien à usage d’habitation au 1er janvier 1970. Une victoire du cabinet bien que nuancée.
En l’espèce, la Ville poursuivait deux propriétaires qu’elle accusait d’avoir proposé un studio parisien à la location de courte durée, sans avoir respecté la procédure de changement d’usage prévue aux articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation, et réclamait leur condamnation solidaire au paiement d’une amende civile de 50 000 €.
Notre argumentation reposait sur une faille majeure : le défaut de preuve quant à l’usage initial d’habitation du local à la date de référence légale, soit au 1er janvier 1970. Nous avons démontré que les pièces produites par la Ville, notamment la fiche H2, présentaient de nombreuses incohérences : datation discordante avec l’acte d’acquisition, déclaration d’occupation postérieure au 1er janvier 1970, et absence de tout élément probant permettant d’établir avec certitude l’usage du bien à la date impérative.
Le Tribunal a pleinement suivi notre raisonnement : constatant l’absence de preuve claire et concordante sur ce point décisif, il a jugé que la condition préalable à l’application du régime du changement d’usage n’était pas remplie. En conséquence, la Ville a été déboutée de sa demande au titre de l’article L. 651-2 CCH, et l’amende de 50 000 € a été rejetée en totalité.
Toutefois, le Tribunal a retenu une infraction distincte : un dépassement de 69 jours de la limite légale de 120 jours de location par an, pour la seule année 2019, les propriétaires ayant reconnu que le logement constituait une dépendance de leur résidence principale. Cette infraction, isolée, a conduit à la condamnation des requises au paiement d’une amende réduite de 3 800 €, le juge tenant compte de leur situation financière, de leur bonne foi, de leur coopération exemplaire lors du contrôle et de la cessation de leur activité litigieuse.
En définitive, cette décision rappelle avec force que la Ville de Paris ne saurait imposer de sanction sans rapporter la preuve irréfragable de l’infraction reprochée, et qu’en matière de changement d’usage, la rigueur probatoire reste la clef de voûte de la défense.