Dernière mise à jour le 29/11/2020

La cour de cassation interdit les locations airbnb dans les immeubles bourgeois

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Par un arrêt du 27 février 2020, la Cour de cassation confirme l’interdiction d’exercer une activité de location saisonnière dans un immeuble à destination bourgeoise. Lumière et enseignement de cet arrêt qui permet de rappeler l’un des outils dont dispose la copropriété pour lutter contre les locations airbnb.

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 Par un arrêt non publié du 27 février 2020 n°18-14.305la Cour de cassation confirme le caractère commercial de l’activité de location saisonnière, renforçant ainsi l’impossibilité d’exercer une telle activité dans les copropriétés à destination bourgeoise.

1. Rappel des faits

 

En l’espèce, une société proposait en location saisonnière pour des courtes durées 39 lots à usage d’habitation dans une résidence située sur la Ville de Cannes composée de 60 appartements.

 La société a été assignée par plusieurs copropriétaires aux fins de voir interdire son activité commerciale dans l’immeuble dès lors qu’elle se livrait à une activité quasi-hôtelière, laquelle serait incompatible avec la destination bourgeoise de l’immeuble. 

Par un arrêt en date du 25 janvier 2018, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a fait droit à la demande desdits copropriétaires et a donc fait interdiction à la SCI, sous astreinte de 3.000 € / jour, de louer ses lots en meublé touristique ou de les faire occuper par sa clientèle dès lors que les appartements ne pouvaient être utilisés au titre d’une activité commerciale.

La société s’est alors pourvue en cassation au motif qu’en lui interdisant purement et simplement de louer ses lots au vu du règlement de copropriété, la cour d’appel a violé les articles 8, alinéa 2, et 43 de la loi du 10 juillet 1965, dès lors qu’elle a assujetti son droit de propriété à une amputation générale et absolue, laquelle excède manifestement ce que peuvent justifier la destination contractuelle, le caractère ou la situation de ladite résidence.

La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que l’activité commerciale exercée dans les appartements par la SCI est contraire à la destination bourgeoise de l’immeuble.

2. Quels sont les enseignements tirés de l’arrêt rendu par la cour de cassation ?

 

  • la location saisonnière constitue une activité commerciale

 

Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme le caractère commercial de l’activité de location saisonnière. 

Cette position n’est pas nouvelle, dès lors qu’elle a eu l’occasion de le rappeler dans son arrêt du 8 mars 2018, n°14-15864, dont les faits étaient similaires.

Cette confirmation n’est pas des moindres dans la mesure où elle impose implicitement qu’une telle activité ne peut donc être exercée que dans un local à usage commercial.

 

  • L’interdiction d’exercer une activité de location touristique dans un immeuble à destination bourgeoise

 

Pour rappel, l’article 9 alinéa 1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 prévoit que « chaque copropriétaire dispose des parties privatives […] sous la condition de ne pas porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble ». 

Dès lors, aucune restriction ne pourrait être imposée par un règlement de copropriété aux copropriétaires, autre que celle résultant des droits des autres copropriétaires ou encore de celle de la destination de l’immeuble.

A ce titre, il convient de rappeler qu’un immeuble peut revêtir trois types de destination, ci-après énumérées :

  • la clause d’habitation bourgeoise exclusive réserve l’immeuble en son entier à de l’habitation ; excluant ainsi toute activité professionnelle et commerciale.

  • la clause à destination bourgeoise dite ordinaire permet, à côté de l’habitation, l’exercice d’activités libérales et professionnelles à condition qu’elles ne génèrent pas de nuisances sonores.

  • la clause à destination mixte permet en sus l’exercice d’activités commerciales sous réserve de respecter l’affectation des lots.

La notion de « destination » ne fait l’objet d’aucune définition légale ou réglementaire à ce jour, mais est appréciée souverainement par les juges en se fondant sur un faisceau d’indices, ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans sa décision.

En l’espèce, l’affectation même des lots litigieux et la destination de l’immeuble n’étaient pas expressément désignées par le règlement de copropriété.

Pour apprécier la destination de l’immeuble, les juges du fond ont donc dû rechercher l’intention du rédacteur dudit règlement en analysant ses clauses mais également les caractéristiques de l’immeuble et notamment son standing aux fins de s’assurer de son caractère bourgeois ou non.

Après avoir confirmé l’appréciation souveraine des juges du fond -qui ont retenu la destination bourgeoise de l’immeuble après avoir relevé que les bâtiments étaient à usage exclusif d’habitation et que l’utilisation des locaux professionnels étaient encadrée-, la Cour de Cassation a retenu que la Cour d’appel a déduit à bon droit que le règlement de copropriété excluait que les appartements soient utilisés au titre d’une activité commerciale.

 Il convient de noter que cette décision n’a rien de surprenante dès lors qu’elle s’inscrit dans la continuité jurisprudentielle d’une incompatibilité entre la destination bourgeoise d’un immeuble et les activités de location saisonnière qualifiée de commerciale, comme en témoignent à titre illustratif deux arrêts en date des 21 mai 2014 n°12-17679 et 15 juin 2016 n°15-18917 aux termes desquels la Cour d’appel de Paris avait considéré que si la location meublée n’était pas, en elle-même, « contraire à la destination bourgeoise de l’immeuble », le caractère commercial de la location de meublés touristiques la rendait incompatible avec une telle destination.

 Cette position a également été reprise par la Cour de cassation aux termes de son arrêt du 8 mars 2018 précité.

 

3. Quid du copropriétaire qui loue sa résidence principale en meublé touristique ?

Suite à l’enseignement tiré de l’arrêt de la cour de cassation du 27 février 2020, il est intéressant de s’interroger sur le point de savoir si un copropriétaire peut se voir contraint à voir cesser son activité de location saisonnière s’il souhaite louer son appartement qui constitue sa résidence principale ? Est-ce que son activité peut-elle être qualifiée de commerciale dans une telle hypothèse ?

Si au regard des agents de la Ville de Paris une telle activité est autorisée, le doute semble entier au regard du droit de la copropriété.

En effet, l’article L 631-7 du Code de la construction et de l’habitation autorise la location d’un local à usage d’habitation si celui-ci constitue la résidence principale du loueur à la condition qu’il soit loué dans la limite de 120 jours/an, sauf cas de force majeure, raison professionnelle ou de santé.

Au regard du droit de la copropriété, il semblerait que la réponse ne soit pas tranchée.

Dans le cadre d’une question qui lui a été posée en 2015, l’Assemblée Nationale a rappelé que « la location occasionnelle de la résidence principale ou secondaire ne permet pas d’assimiler systématiquement cette activité à une activité commerciale exercée à titre habituel ». Par la même, elle reconnaît donc que dans une telle hypothèse, une telle activité ne serait pas automatiquement commerciale.

Cette réponse a tout son sens dès lors que le copropriétaire occupant à titre personnel sa résidence principale a minima 8 mois par an, l’habitation bourgeoise constituerait donc l’affectation principale de son lot, l’activité de location saisonnière n’étant qu’occasionnelle, l’affectation dudit lot à une activité commerciale ne saurait donc être démontrée.

Si la jurisprudence n’est pas tranchée sur ce point en raison que le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation à ce sujet, il n’en reste pas moins qu’il est raisonnable de penser que la justice sera d’une manière générale bien plus clémente à l’égard d’un copropriétaire qui sous-loue sa résidence principale d’une manière très épisodique qu’à l’égard d’une société qui s’adonne à des locations de masse toute l’année répondant à une logique d’activité hôtelière, au sein d’un même immeuble à destination bourgeoise.

Conclusion

Il semble donc exister une incompatibilité de principe entre la nature commerciale de l’activité de location saisonnière et la destination bourgeoise d’un immeuble, laquelle est souverainement appréciée par les juges au regard des clauses du règlement mais également des caractéristiques de l’immeuble. 

Cet arrêt pourrait être invoqué à l’appui de nombreux copropriétaires ou syndicat des copropriétaires qui souhaiteraient contraindre des propriétaires à cesser leur activité de location saisonnière dans leur immeuble dès lors qu’il serait à destination bourgeoise exclusif ou ordinaire.

 Toutefois, il serait hasardeux de généraliser l’interdiction de la location saisonnière dans tout immeuble à destination bourgeoise dès lors que ni l’arrêt de 2020 ni celui de 2018 n’ont été publiés au bulletin.

 Par ailleurs, on peut émettre l’hypothèse que la Cour de cassation s’est prononcée sévèrement à l’égard du propriétaire loueur dans ses arrêts de 2018 et de 2020 en raison que dans chacune de ces affaires celui-ci se livrait à une activité proche de celle d’hôtellerie par la mise en location de masse d’appartements et durant toute l’année. Ainsi, il est possible d’espérer que les juges auraient une appréciation différente dans le cas où le propriétaire mettrait en location qu’un seul appartement, ou tout du moins seraient plus tolérants.

 Quoiqu’il en soit, seule une lecture approfondie et personnalisée des clauses du règlement de copropriété permet d’apprécier raisonnablement si un propriétaire peut ou non exercer une telle activité au sein d’une copropriété et si le cas échéant une telle interdiction est justifiée ou au contraire abusive au regard de la destination de l’immeuble. Si celle-ci se révélait être injustifiée, le copropriétaire loueur pourra la voir réputer non écrite en justice sur le fondement des articles 8 et 43 de la loi du 10 juillet 1965.

 Toutefois, une telle action n’a évidemment d’intérêt que si le lot concerné est à usage commercial ou tout du moins « à usage autre que de l’habitation ».

 Le cabinet se tient à votre disposition pour vous éclairer sur vos droits en étudiant de manière approfondie votre règlement de copropriété afin de vous accompagner sur la faisabilité de votre projet de location saisonnière ou au contraire pour vous offrir les outils pour faire cesser une telle activité dans votre immeuble.

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