La cession de droit au bail se différencie de la cession du fonds de commerce, en ce que le cédant préfère céder son emplacement et donc le seul droit au bail, avec les droits et les obligations qui s’y rattachent, que son activité toute entière. Lumière sur la cession de droit au bail !
La cession du droit au bail consiste pour le locataire sortant, le cédant, de transmettre à un tiers, le cessionnaire, le bail commercial auquel il est tenu avec tous les droits et obligations qui s’y rattachent. Par cette opération, il s’opère un changement de locataire, l’acquéreur devenant titulaire du bail.
Quelle est la procédure à suivre en cas de cession de droit au bail ?
Etape 1 : Vérifier à quelles conditions je peux céder mon droit au bail
Au prélable, le cédant qui entend céder son droit au bail, doit vérifier en amont les clauses ayant trait à la cession dans son bail commercial afin de déterminer dans quelle mesure et à quelles conditions il peut le céder. Ces clauses peuvent venir limiter ou restreindre la cession mais en aucun cas entraver totalement la possibilité du locataire de céder son bail à l’acquéreur du fonds de commerce.
En pratique, la majorité des baux commerciaux interdisent au locataire de céder son droit au bail à une personne autre que l’acquéreur du fonds de commerce ou le conditionnent sous réserve du respect d’un formalisme que le bailleur aura imposé dans le bail commercial initial.
Or, il arrive que le locataire souhaite céder que son droit au bail afin de continuer à exploiter son fonds de commerce dans un autre local, ou qu’il ne trouve pas de repreneur pour son fonds. Dans une telle situation, il devra obtenir l’autorisation du bailleur pour pouvoir céder uniquement son droit au bail.
A ce titre, différentes types de clause peut conditionner la cession de droit au bail, à savoir :
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Clause “tous commerces” :
le locataire peut librement céder son droit au bail.
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Clause d’agrément préalable du bailleur à la cession de droit au bail
Le bail peut prévoir l’accord préalable du bailleur pour toute cession, lui permettant d’avoir un contrôle direct sur la cession et sur le potentiel repreneur.
Le bailleur ne peut discrétionnairement refuser la cession du droit au bail sans invoquer de motif légitime. En cas de refus abusif, le locataire pourra obtenir l’autorisation judiciaire de procéder à la cession et même se voir alloué des dommages et intérêts dans certaines hypothèses.
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Clause d’information et de concours préalable du bailleur à la cession de droit au bail
Le bail peut prévoir l’obligation d’informer le bailleur à l’avance selon un formalisme à respecter et d’être présent au jour de la signature de l’acte de cession. Une telle clause permet au bailleur de s’assurer que la cession a été régulière et que le cessionnaire s’engage à reprendre les engagements du cédant.
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Clause octroyant un droit de préemption au profit du bailleur
Le bail peut prévoir un droit de préemption au profit du bailleur lorsque le locataire envisage de vendre son droit au bail.
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Clause de solidarité du paiement des loyers et charges entre les locataires successifs
Si le bail contient une clause de solidarité, le locataire cédant peut être obligé de payer à la place du locataire cessionnaire si celui-ci ne paie pas. La Loi Pinel du 18 juin 2014 a limité cette garantie à trois ans à partir de la date de cession du bail.
Etape 2 : Information de la commune de ma volonté de céder mon droit au bail
Au préalable, avant toute cession de bail, le locataire devra se renseigner auprès de la mairie de la commune des lieux loués, si son local est situé dans son périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité. Dans l’affirmative, il devra lui adresser une déclaration préalable et le silence gardé par la commune pendant deux mois vaut renonciation à l’exercice de son droit de préemption. A défaut, la vente serait frappée de nullité.
Etape 3 : Accomplir les formalités suite à la cession de droit au bail
Céder son droit au bail s’accompagne du respect de plusieurs règles, à savoir la signification de la cession au bailleur, l’établissement d’un état des lieux préalable ou encore son enregistrement.
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Signification de la cession de droit au bail au bailleur
La cession du droit au bail est soumise aux formalités de l’article 1690 du Code civil : elle doit être signifiée par acte d’huissier au bailleur, à moins que celui-ci ne l’accepte dans un acte authentique, à l’initiative soit du cédant soit du cessionnaire.
Si la signification se fait par exploit d’huissier, elle doit comporter les informations sur le nouveau locataire (identité et coordonnées de la personne, date de la cession etc.). Cette signification n’est toutefois pas nécessaire si le propriétaire accepte la cession du droit au bail par acte authentique
En cas de non-respect des formalités de l’article 1690 du Code civil, la cession n’est pas nulle mais elle est inopposable au bailleur, de telle manière qu’il pourra considérer :
– le cessionnaire comme un occupant sans droit ni titre et de demander son expulsion ; et
– le cédant comme son locataire dès lors qu’il n’a pas mis un terme au bail.
Le bailleur pourra également demander la résiliation du bail ou lui refuser le renouvellement du bail sans lui verser une quelconque indemnité.
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Faire un état des lieux préalable :
Lors de la prise de possession des locaux, un état des lieux préalable doit être établi entre le bailleur et le cessionnaire (C. com L. 145-40-1).
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Enregistrer la cession de droit au bail
L’acte de cession du bail doit être enregistré, dans un délai d’un mois, auprès de la recette des impôts du lieu de situation des lieux loués. Un abattement de 23 000 euros est pratiqué sur le prix de vente. Les droits sont perçus au taux de :
– O% sur la fraction du prix de vente comprise inférieure à 23 000 euros
– 3 % sur la fraction du prix de vente comprise entre 23 000 et 200 000 euros,
– 5% pour la fraction du prix supérieure à 200 000 euros.
À défaut de mention contraire dans l’acte de cession, les droits d’enregistrement sont à la charge de l’acquéreur.
A quelles sanctions je m’expose en cas de cession de droit au bail irrégulière ?
L’inopposabilité de la cession peut provenir du non-respect des formalités de signification tel que prévu à l’article 1690 du Code civil, ou, du non-respect des clauses contractuelles ayant trait à la cession (ex: l’agrément du bailleur). Cette inopposabilité va jouer dans les rapports entre le bailleur et le cessionnaire et dans les rapports entre le bailleur et le cédant.
Plusieurs sanctions sont possibles :
- Option n°1 : Résiliation du bail
la résiliation du bail peut être obtenue de plein droit par application d’une clause résolutoire si elle vise expressément le manquement d’une cession irrégulière. Le cas échéant, le bailleur peut solliciter la résiliation judiciaire du bail en invoquant la gravité de la cession irrégulière, souverainement appréciée par les juges du fond.
- Option n°2 : le Refus de renouvellement du bail
le bailleur peut également refuser le renouvellement du bail sans avoir à payer d’indemnité, s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant.
- Option n°3 : la Réparation du dommage subi par le cessionnaire évincé
le cessionnaire évincé, qui doit quitter les lieux après résiliation du bail ou après refus de renouvellement, peut agir en responsabilité civile contre le cédant.
Puis-je régulariser une cession de droit au bail irrégulière auprès de mon bailleur ?
Si une cession est intervenue sans l’accord du bailleur alors même que le bail le stipulait, est-il possible de régulariser la cession irrégulière en permettant au bailleur de donner son accord a posteriori?
Si ce manquement est visé par la clause résolutoire contenue dans un bail, alors il est possible de solliciter la résiliation du bail pour violation de la clause contractuelle, laquelle ne prendra effet de plein droit qu’un mois après un commandement demeuré infructueux : la régularisation a posteriori est donc possible dans le délai d’un mois.
A l’expiration du bail, l’acheteur a t-il le droit au renouvellement de son bail ?
Il bénéficie au droit au renouvellement du bail dès lors que le délai d’exploitation de 3 ans qui ont précédé la date d’expiration du bail commercial ou de sa prolongation est respecté par l’ancien locataire et que l’activité est identique.
En cas d’activité distincte, le cessionnaire perd le droit au renouvellement du bail commercial si le bail expire moins de trois ans après la date de la cession en cas de refus du bailleur au renouvellement, et aucune indemnité d’éviction ne pourra lui être versée. Dès lors, il est fortement conseillé au cessionnaire de négocier avec le bailleur de conclure un nouveau bail commercial.
N’est pas considérée comme une cession de droit au bail, si le locataire initial exerce son activité en société, dans les cas suivants :
– la dissolution de la société,
– la transformation de la société en une autre forme sociale,
– la réunion de toutes les parts sociales en une seule main,
– la fusion ou l’apport partiel d’actifs.
Cas de la cession du droit au bail d’un locataire prenant sa retraite ou en invalidité
L’article L. 145-51 du Code de commerce permet au locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite, ou qui a été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité, de céder son bail pour une autre activité.
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Quels locataires sont concernés ?
Sont concernées le commerçant personne physique, l’associé unique d’une EURL, le gérant majoritaire d’une SARL depuis au moins deux ans , le commerçant admis au bénéfice d’une pension d’invalidité. Les dirigeants de SA et de SAS ne bénéficient donc pas de cette mesure.
Le locataire partant à la retraite devra demander à bénéficier de ses droits à la retraite mais continuera à exploiter le fonds jusqu’à la cession du bail. Attention, la cessation d’activité du locataire et sa radiation du RCS lui feront perdre son droit envers le bailleur.
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Notification au bailleur et aux créanciers inscrits de son intention de céder son bail
Le locataire doit signifier, par acte d’huissier, au bailleur et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son droit au bail en précisant la nature des activités nouvelles envisagées par le futur acquéreur ainsi que le prix proposé.
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Réponse du bailleur
A compter de cette notification, le bailleur doit faire connaître sa réponse dans un délai de 2 mois.
Plusieurs options sont possibles :
- Option n°1: Il peut accepter la cession ou garder le silence pendant plus de deux mois :
Le bail se poursuivra au profit du nouveau preneur aux mêmes conditions et au même loyer, seule l’activité sera changée. Dans cette hypothèse, la question de savoir si le bailleur peut demander au nouveau locataire une augmentation de loyer n’a pas été tranchée encore. En tout état de cause, l’acceptation par le bailleur des nouvelles activités pourra constituer un motif de déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail.
- Option n°2: il peut exercer son droit de préemption dans les deux mois et racheter le droit au bail au preneur aux conditions mentionnées dans la signification, notamment en ce qui concerne le prix.
- Option n°3 : il peut exercer son droit d’opposition s’il conteste l’exercice des activités nouvelles.
A ce titre, il devra saisir le Tribunal de grande instance du lieu de situation des lieux loués dans le délai de 2 mois à compter de la signification.
Il devra justifier de l’incompatibilité desdites activités envisagées avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble. Si le Tribunal juge l’opposition injustifiée, le bailleur pourra être condamné à verser des dommages et intérêts au locataire pour réparation du préjudice causé par l’impossibilité de réaliser la cession