En cas de contentieux de vente immobilière, la responsabilité de l’agent immobilier peut être engagée tant par son mandant que par tout tiers étranger au mandat, dès lors qu’il a un rôle central dans les opérations immobilières .
Il est clairement établi, selon une jurisprudence abondante et constante, que dans l’exercice de sa profession l’agent immobilier peut être « responsable du dommage subi par toutes les personnes parties à l’opération dont l’échec est imputable à ses fautes professionnelles, le fondement de cette responsabilité étant contractuel à l’égard de ses clients et délictuel à l’égard des autres parties » (Cass. 1ère chambre civile, 16 décembre 1992, n°90-18.151).
Dans quels cas je peux engager la responsabilité contractuelle de l’agent immobilier ?
Le mandant peut soulever la responsabilité contractuelle de l’agent immobilier en cas de :
– mauvaise ou absence d’exécution de sa mission aux termes de son mandat,
– d’inefficacité d’un acte juridique dont il est s’est porté rédacteur,
– en cas de manquement à son devoir de conseil ou d’assistance auprès de son mandant
Le délai de prescription est de 5 ans à compter de la date des faits qui lui sont reprochés ou à compter de la date à laquelle il aurait du les connaître.
Cas n°1 : l’agent immobilier a manqué à son obligation de moyen dans l’exécution de sa mission
L’agent immobilier peut être mandaté par une personne physique ou morale aux termes d’un mandat en vue de procéder à :
– la vente d’un immeuble ;
– la recherche d’un acquéreur ou d’un locataire ;
– l’administration d’un bien immobilier ;
– l’achat d’un bien immobilier.
A cet effet, il ne pourra procéder à la transaction qu’en vertu d’un mandat écrit qui fixera les limites de sa responsabilité et l’étendue de ses pouvoirs. L’article 1992 du Code civil précise que « Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion ».
L’agent immobilier n’est tenu qu’à une obligation de moyen à l’égard de son mandant. Autrement dit, le mandataire ne pourra pas engager sa responsabilité si celui-ci n’est pas parvenu à vendre ou louer son bien, sauf si une faute est démontrée dans l’exécution de sa mission ou s’il n’a pas tout mis en oeuvre pour favoriser la vente du bien.
Dans une telle hypothèse, en cas de mauvaise ou inexécution de son mandat, le mandataire pourra engager la responsabilité contractuelle de l’agent immobilier que s’il a subi un préjudice et qu’à cet effet il puisse démontrer sa faute, un dommage et un lien de causalité entre la faute et le dommage qu’il a subi. Pour s’exonérer de sa responsabilité, l’agent immobilier doit démonter l’existence d’un cas de force majeure ou d’un dol de l’une des deux parties.
La jurisprudence est abondante à ce sujet.
L’agent immobilier ne doit pas accomplir sa mission en méconnaissant les intérêts de son client. La responsabilité de l’agent peut être recherchée lorsqu’il a agi sciemment de manière à causer un préjudice à son client : il s’agit d’un dol. La pratique dolosive se matérialise par des allégations mensongères, des réticences ou encore des manœuvres déloyales.
Ainsi, est constitutif d’un dol le fait pour un agent de déclarer à ses clients qu’un terrain est constructible alors qu’il savait que l’autorisation de construire ne pouvait être accordée. (Cass. 1ère civile, 5 déc. 1961 Bull. civ. 1961 ; CA Agen, 3 juill. 2013, n° 12/01254 et n° 12/01478).
Dans le même sens, l’agent immobilier est déclaré responsable lorsqu’il use de son mandat de manière abusive notamment en vendant le bien à un prix inférieur à celui fixé par ses clients à leur insu (CA Paris 1ère ch, 12 mai 1981).
De même, en matière de bail, l’agent immobilier est tenu de s’assurer de la solvabilité des locataires (CA Versailles, 3e Ch, 7 novembre 2003, n°01/06928) ainsi que celles des cautions (CA Versailles, 3e ch., 17 octobre 2003, n°01/04984), ou encore de la souscription par le locataire d’une assurance (Cass. 2e civ, 13 octobre 2005, n°04-16139). L’agent immobilier qui choisit un locataire dont la solvabilité est insuffisante pour faire face à ses engagements doit être condamné au paiement des loyers impayés et au versement d’une indemnité d’occupation jusqu’à la remise des clés, ainsi qu’au règlement des primes d’assurance inutilement payées par le propriétaire (CA Paris, 6 échanges, 25 mars 2004, n°2002-11824)
Par ailleurs, le mandataire ne peut abandonner sa mission, cependant il a la possibilité d’y renoncer. Si tel est le cas, il doit alors le signifier au mandant et l’indemniser.
La non-exécution, le non-respect des limites du mandat ou son abandon sans en informer le mandant constitue une faute de nature à engager sa responsabilité. En l’absence de la preuve d’une faute, aucune responsabilité ne pourra être retenue à son encontre.
Cas n°2 : l’agent immobilier a manqué à son obligation de résultat en sa qualité de rédacteur d’acte juridique
L’agent immobilier peut être amené dans le cadre de sa mission à rédiger des actes juridiques, pour le compte de son mandant, nécessaires à la réalisation de l’opération immobilière.
La jurisprudence exige une certaine efficacité des actes juridiques dont le rédacteur est le mandataire. Cette obligation consiste en une obligation de résultat.
Ainsi, l’agent doit répondre de toutes les conséquences dommageables de l’inefficacité d’un acte dont il est le rédacteur. La cause principale de l’inefficacité réside dans l’existence de vices de forme.
A titre illustratif, il peut s’agir de l’inefficacité d’un acte de cautionnement faute de l’inscription dans l’acte de la mention manuscrite de l’article 1326 du Code civil (CA Versailles, 20 février 1998, n°1995/9410, CA Paris chambre 25, section B,25 février 2000 n°1997/14957) ou encore de l’inefficacité d’un contrat de bail (Cass. 1ère civile, 27 novembre 2001 n°9917178).
Dans un arrêt récent en date du 1er Mars 2017, n°14/04949, la Cour d’Appel de Rennes a retenu que l’agent immobilier a commis un manquement à ses obligations contractuelles et l’a condamné à réparer le préjudice subi par ses mandants, qui correspond à la perte de chance de recouvrer, auprès de la caution, les sommes dues par la locataire, dès lors qu’il ne s’était pas assuré de la rédaction par la caution elle-même des mentions manuscrites exigées par la loi et donc de la régularité des actes à établir dans le cadre de sa mission.
En l’espèce, l’acte de cautionnement n’était pas conforme aux dispositions de l’article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dès lors que les mentions manuscrites n’avait pas été rédigées par la caution mais par la locataire.
La cour d’appel a alors retenu que la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
C’est dans ces conditions qu’elle a condamné l’agent immobilier à verser 2000 euros aux bailleurs à titre de dommages et intérêts, correspondant à 50 % des sommes en cause.
Cas n°3 : l’agent immobilier a manqué à son devoir de conseil et d’assistance
L’agent immobilier est tenu d’une obligation de conseil et d’assistance à l’égard de son mandant à l’occasion des opérations réalisées par son entremise. Il a ainsi le devoir de fournir à son client une information exacte, complète voire même une mise en garde contre toute éventualité qui pourrait être source de préjudice.
C’est ainsi que la jurisprudence a reconnu que l’agent est tenu de vérifier : et informer sur l’aptitude des personnes, ce qui recouvre notamment :
– la solvabilité des parties.
L’intermédiaire doit mener des recherches portant sur la situation financière de l’acquéreur, il a été jugé que manque à son obligation de renseignement et de conseil, l’agent qui ne vérifie pas la situation financière de l’acquéreur d’un jeune âge et sans ressources professionnelles (CA Douai, 12 janvier 2004, n°02/04879),
– la qualité et la capacité juridique des parties ;
– les caractéristiques du bien (état matériel, nature juridique, valeur patrimoniale) ;
Il a été reconnu que l’agent a manqué à son obligation de renseignement et de conseil pour ne pas avoir renseigné les parties sur la situation exacte du bien, et notamment sur l’existence d’un plan communal d’élargissement de la voie sur lequel se situait l’immeuble (Cass, 3ème civile, 20 décembre 1971, n°70-12467).
Est également reconnu comme responsable l’agent qui a omis de préciser qu’un transformateur électrique se trouvait sur le terrain (CA Colmar, 6 février 1994, n°2B01/02133), ou encore qu’un défaut d’aération affectait les lieux loués (CA Versailles, 17 mai 1996).
Pour autant, ce devoir s’analysant en une obligation de moyen, les juges l’apprécient en fonction des circonstances de la cause et en particulier, de la situation et de la connaissance des parties intéressées à la transaction.
Ainsi, lorsque le mandataire est un professionnel qui peut se renseigner par lui-même, la responsabilité de l’agent ne peut être recherchée pour défaut de devoir de conseil (Com. 13 mai 1997, no 94-19.614).
L’agent immobilier satisfait également à son devoir de conseil, dès lors que les énonciations de l’acte de cession permettaient à l’acquéreur de se rendre compte, par lui-même, des limites du bien acquis (Cass. 3e civile, 3 janv. 1980).
2. Dans quels cas un tiers peut engager la responsabilité délictuelle de l’agent immobilier ?
En principe, l’agent immobilier n’est responsable qu’à l’égard de son mandant. Néanmoins, il a été reconnu que sa responsabilité délictuelle pouvait être engagée par tout tiers au mandat, en cas de commission de délit ou quasi-délit, de dépassement de pouvoirs ou d’omission à son devoir de conseil.
En cas de responsabilité délictuelle démontrée, l’intermédiaire sera tenu d’indemniser la victime par le versement de dommages-intérêts, dont le montant est souverainement apprécié par les juges ; étant précisé que le délai de prescription est de cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer (art. 2224 du Code civil).
Cas n°1 : l’agent a commis un délit ou un quasi-délit dans l’exécution de son mandat
La responsabilité de l’agent à l’égard des tiers peut être retenue en cas de dépassement de pouvoirs.
Cependant, le tiers qui contracte avec un intermédiaire ayant dépassé ses pouvoirs est mal fondé à agir en garantie contre cet agent, alors qu’il lui suffisait de se faire présenter la procuration mentionnée au contrat pour avoir connaissance de l’étendue des pouvoirs du mandataire (Cass. 1ère civile, 16 juin 1954).
Cas n°2 : L’agent immobilier a dépassé les pouvoirs de son mandat
La responsabilité d’un agent immobilier peut être recherchée s’il a commis un délit ou un quasi-délit dans l’exécution de son mandat, peu importe s’il a agit spontanément ou sur les instructions de son mandant dans l’accomplissement de sa mission.
Cas n°3 : l’agent a manqué à son devoir de conseil
D’une manière assez surprenante, un agent immobilier peut se voir reprocher le non-respect de son devoir de conseil à l’égard de tiers au mandat.
La solution paraît sévère et incohérente au regard du principe de l’effet relatif des contrats prévu à l’article 1199 alinéa 1 du Code civil, issu de l’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 :« Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties. ».
Cependant, la jurisprudence retient cette solution lorsque l’agent immobilier intervient en qualité de rédacteur d’acte afin d’assurer l’efficacité juridique dudit acte même à l’égard du tiers qui ne l’a pas mandaté.
Ainsi, il a été admis que l’agent immobilier, mandataire d’un propriétaire bailleur, ne pouvait se prévaloir d’une prétendue méconnaissance des dispositions des articles 1er et 6 de la loi du 2 janvier 1970 pour se soustraire aux conséquences de sa faute délictuelle à l’égard du locataire, tiers au contrat de mandat, auquel il avait donné une information erronée relative à l’inutilité de la souscription d’une assurance locative (Cass. 1ère civile, 28 oct. 2010, n° 09-70.109).
De même, la responsabilité délictuelle de l’agent immobilier a été retenue lorsque celui-ci a rédigé un compromis de vente de parkings alors même que le vendeur n’en était pas propriétaire ou a encore vendu un immeuble frappé d’une servitude de démolition (cass, 3e civ, 29 mars 2000, n°98-15215)
Il est donc attendu de l’agent immobilier qu’il se montre rigoureux dans l’accomplissement de sa profession tant à l’égard de son client que des tiers contractants. Son devoir de conseil implique qu’il mène toutes les vérifications nécessaires, qu’il communique toutes les informations susceptibles d’influencer le consentement d’une partie, celles portant sur la consistance du bien, sur ses caractéristiques matérielles et juridiques.
Toutefois, étant tenu à une obligation de moyen, les juges apprécient le manquement en fonction des circonstances de la cause.
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