Dernière mise à jour le 19/02/2021

Airbnb et Cour de cassation : une victoire contrastée pour la Ville de Paris !

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Si Paris a remporté la victoire contre les loueurs de meublés touristiques de type airbnb compte tenu de la validation de son dispositif par la Cour de cassation, il n’en reste pas moins que le bien-fondé de ses assignations pourrait être remis en cause en justice, compte tenu  d’un arrêt rendu en ce même jour par la Cour.

Alors que la presse et les praticiens du droit attendaient l’arrêt de la cour de cour de cassation sur l’affaire CALI ce 18 février 2021, à la grande suprise générale celle-ci a rendu trois arrêts distincts en ce même jour, tous riches d’enseignement. 

Le 18 février 2021, la Cour de cassation a définitivement validé le dispositif parisien soumis à compensation qu’elle déclare conforme au droit européen marquant la victoire de la Ville dans sa lutte contre les fraudeurs airbnb (1).

Par un second arrêt, la cour de cassation a confirmé et durci sa jurisprudence en renforçant la démonstration de l’usage d’habitation par la Ville, de telle manière qu’elle pourrait voir du mal à appliquer son dispositif en pratique et donc justifier du bien-fondé de ses assignations dirigées à l’encontre des propriétaires loueurs (2).

Enfin par un troisième arrêt et contre tout attente, la Cour a mis un terme aux baux dits de « moyenne durée », pourtant tolérés jusqu’à présent par les tribunaux, de telle manière que les bailleurs devront s’assurer de la validité des baux mobilités qu’ils auront consentis (3).

 Lumière sur ces trois arrêts !

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1. La Cour de cassation valide le dispositif parisien d’autorisation préalable soumis à compensation !

Dernier chapitre cette affaire qui dure plus de 5 ans, l’arrêt n°195 du 18 février 2021, n°17-26.156, Affaire CALI , de la Cour de cassation très attendu tant par les propriétaires loueurs de meublés touristiques et que par la Ville de Paris a enfin été rendu à ce jour.

Le verdict est tombé, la Cour de cassation donne victoire à la Ville de Paris dans la guerre l’opposant aux propriétaires loueurs de résidences secondaires !

Pour mémoire, l’article L631-7 al 1 du Code de la construction et de l’habitation impose aux propriétaires qui souhaitent louer leur résidence secondaire de solliciter une autorisation de changement d’usage du logement auprès du Maire, laquelle est soumise ou non à copensation selon les Communes.

A Paris, cette autorisation est subordonnée à l’achat de commercialité  ou à la proposition de transformation concomitante en habitation des locaux ayant un autre usage d’une surface équivalente, voire du double dans les secteurs dit renforcés.  

Saisie d’une question préjudicielle portant sur la conformité de cet article avec le droit européen et en particulier avec la directive européenne 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur, par un arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l’Union a validé sur le principe la réglementation française mais a renvoyé aux juridictions nationales le soin de s’assurer que le système de compensation s’avère non seulement adapté à la situation du marché locatif des communes concernées mais également compatible avec l’exercice de l’activité de location.

Saisi du dispositif parisien, il appartenait donc à la Cour de cassation de se prononcer sur sa validité au regard de ces exigences.

A la lecture de l’arrêt, on s’aperçoit que la Cour s’est contentée de valider très furtivement le dispositif parisien sans prendre soin de répondre aux questions pendantes de la Cour Européenne. 

Par cet arrêt, elle valide le dispositif parisien qu’elle estime « justifié par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionné à l’objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante ».

En outre, elle indique qu’il satisfait aux exigences de « clarté, de non ambiguïté, d’objectivité, de publicité, de transparence et d’accessibilité de la directive», du fait que les comptes rendus municipaux sont affichés en mairie et mis en ligne sur le site de internet de la Ville. 

Concernant le crtitère européen de “proportionnalité”, elle estime que cette condition est également remplie dès lors que la Ville de Paris a mis en place dans certains arrondissements des secteurs renforcés justifiés par la situation du marché locatif.

 

Quel avenir pour les loueurs assignés par la ville ?

Par cette décision, la la Cour de cassation va permettre de débloquer toutes les procédures engagées par la Ville de Paris- jusqu’à lors gelées – à l’encontre de plus de 400 propriétaires loueurs auxquels elle réclame principalement des amendes de 50 000 euros/meublé objet du manquement.

La Ville de Paris pourra également reprendre les poursuites judiciaires qu’elle avait engagées depuis le mois d’octobre 2020 à l’encontre d’une centaine de propriétaires qui louent leur résidence principale plus de 120 jours/an, auxquels elle réclame une amende oscillant entre 10.000 et 15.000 €.  

Toutes les villes ayant mis en place leur propre régime de régulation des locations touristiques, telles que Lyon, Bordeaux, Nice, Marseille, Lille, Nantes, Strasbourg, Toulouse, vont très certainement suivre le mouvement.

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2. La Cour de cassation renforce la preuve de l’usage d’habitation incombant à la ville – la Déclaration H2, l’arme redoutable du propriétaire loueur contre Paris !

 

Par l’arrêt du 18 février 2021 n°19.11.462, la Cour de cassation a reconnu que le formulaire H2 (document qui permet de recenser les constructions nouvelles et d’établir leur valeur cadastrale) rempli par le propriétaire d’un local postérieurement au 1erjanvier 1970 ne permettait pas d’établir la preuve de l’usage d’habitation du bien à cette date.

En l’espèce, la Ville de Paris avait soutenu que la preuve de l’usage d’habitation du local est rapportée en produisant aux débats la déclaration établie selon le modèle « H2 » remplie par les propriétaires du local en juin 1978.

En première instance et en appel, il a été fait droit à la demande de la ville.

La Cour a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris qui avait fait droit à la demande de condamnation de la Ville de Paris sur cette unique preuve compte tenu du fait que:

  • d’une part l’article L631-7 al 3 du CCH précise “qu’un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1erjanvier 1970 ” ; et
  • d’autre part qu’en application de l’article 40 du décret d’application du 28 novembre 1969 n°69-1076, un formulaire H2 comportent des renseignements à la date de sa souscription, à l’exception du loyer qui est celui en vigueur au 1erjanvier 1970.

En conséquence, elle déduit que les renseignements portés dans le formulaire en 1978 ne sauraient décrire l’usage du bien au 1erjanvier 1970 ; étant précisé que le prix n’était pas non plus mentionné.

Cette décision s’inscrit dans la lignée jurisprudentielle recemment reconnue en la matière.

En effet, la Cour a eu l’occasion de se prononcer en ce sens par deux arrêts rendus respectivement le 28 novembre 2019 (n°18-23.769) et le 28 mai 2020 (n°18-26.366).

Par cet arrêt rendu le même jour, la Cour de cassation confirme et durcit sa jurisprudence. Faute pour la ville de rapporter la preuve de l’usage d’habitation au 1Er janvier 1970, elle verra donc son action rejetée, faute de pièce complémentaire.

Je précise qu’en pratique, je me suis aperçue que sur la centaine de dossiers que mon Cabinet traite,  la Ville n’a pas rapporté la preuve de l’usage d’habitation sur un grand nombre. En conséquence,  je ne manquerai pas de faire valoir cet argument parmi d’autres pour contester le bien-fondé de l’assignation.

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3. La cour de cassation condamne les baux de moyenne durée !

 

Par l’arrêt du 18 février 2021 n°19-13191, la Cour de cassation retient que le fait pour un bailleur de donner en location à deux reprises au cours de la même année un appartement en meublé à usage d’habitation pour des durées respectives de 4 à 6 mois entre mars 2016 et janvier 2017, à deux sociétés pour y loger la même personne en qualité de salarié, caractérise un changement d’usage au sens de l’article L 631-7 du CCH.

C’est sur ce chef qu’elle a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris rendu le 20 décembre 2018 qui avait reconnu que la notion de « courte durée » n’était pas caractérisée et donc débouté la Ville de ses demandes.

Au soutien de son argumentation, la Haute Cour retient que hormis les cas : 

  • d’une location consentie à un étudiant pour une durée d’au moins neuf mois,
  • de la conclusion d’un bail mobilité d’une durée d’un à dix mois depuis l’entrée en vigueur de la loi ELAN du 23 novembre 2018 et
  • de la location pour une durée maximale de 4 mois s’agissant de la résidence principale du loueur,

le fait de louer à plus d’une reprise au cours d’une même année un local meublé pour une durée inférieure à un an à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale constitue un changement d’usage soumis à autorisation préalable.

La cour de cassation rend une décision extrêmement sévère et surprenante pour le propriétaire,puisque jusqu’à présent la jurisprudence reconnaissait systématiquement que les baux d’une durée entre 3 et 6 mois constituaient des baux de moyenne durée, échappant au régime de la procédure de changement d’usage de l’article L 631-7 du CCH

Par cet arrêt publié, la Cour de cassation marque donc définitivement la fin des baux de moyenne durée, au damne des bailleurs.

Il n’est donc plus possible de louer son bien sur une plateforme pour des séjours de moyennes durée si vous ne justifiez de l’un des baux ci-avant énumérés, faute de quoi vous risquez de vous faire assigné par la Ville de Paris et condamné à une amende pouvant aller jusqu’à 50.000 €, outre une amende de 5.000 € pour ne pas l’avoir déclaré en meublé touristique auprès de la Ville de Paris (article L 324-1-1 III et V du Code du tourisme).

Toutefois, il apparait raisonnable de penser que si un propriétaire se retrouvait à être assigné pour des faits identiques que ceux de la présente espèce au titre d’une location postérieure à l’entrée en vigueur de la loi ELAN, le Tribunal rejettera l’action de la ville de Paris et reconnaîtra la conclusion d’un bail mobilité si ses conditions d’éligibilité sont remplies et rapportées par le bailleur.

2021 : les plateformes participent au contrôle renforcé des fraudeurs airbnb aux côtés des Communes !

 

Pour mémoire, le décret n°2019-1104 du 30 octobre 2019, a offert un outil de contrôle redoutable à Paris et toutes les communes ayant mis en place la procédure d’enregistrement.

En effet, depuis le 1erjanvier 2020, elles peuvent solliciter une fois par an les plateformes afin qu’elles leur transmette la liste détaillée des logements loués par leur intermédiaires. Faute de s‘exécuter elles risquent d’importantes amendes (50.000 €/meublé objet du manquement)

Par ailleurs, il est rappelé que compter de cette même date, il n’est plus possible de louer plus de 120 jours/an sa résidence principale sur la plateforme Airbnb puisqu’elle a mis en place un système de blocage pour 18 villes dont Paris, Lyon, Lille et Bordeaux.

Depuis le 5 février 2021, la ministre en charge du logement, Emmanuelle Wargon, a annoncé la signature d’une nouvelle feuille de route concernant les meublés de tourisme avec sept associations d’élus locaux et trente villes françaises, agglomérations ou métropoles. Cette feuille de route est également proposée pour signature à l’ensemble des plateformes. Airbnb a annoncé s’y engager.

A ce titre, Airbnb a annoncé prendre une série de nouveaux engagements forts afin d’assurer le respect des réglementations locales par ses hôtes et de participer à la relance d’un tourisme responsable en France.

C’est ainsi qu’elle s’est engagée, dès avril 2021, à bloquer les annonces dépourvues de numéro d’enregistrement à Paris, Lyon et Bordeaux .

Elle a prévu d’étendre cette obligation à d’autres grandes villes au cours du second trimestre 2021 : Lille, Marseille, Nantes, Nice, Strasbourg et Toulouse, puis de la generaliser.

Enfin, elle s’engage également d’une part, à partager chaque année avec les villes précitées des données qui leur permettront de mesurer les effets de cette initiative et, d’autre part, à soutenir le gouvernement dans l’élaboration d’une interface de partage de données sur les meublés de tourisme (API) destinée aux villes, laquelle aura vocation à leur permettre de comparer plus facilement les données partagées par les différentes plateformes pour s’assurer du bon respect de la réglementation par chaque hôte.

 

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