Dernière mise à jour le 21/07/2020

Airbnb et sous-location : Confirmation du remboursement des gains depuis l’arrêt rendu par la cour de cassation !

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La Cour de cassation avait donné un coup de tonnerre par son arrêt du 12 septembre 2019 n°2018-20727 en condamnant pour la première fois un locataire à rembourser la totalité des gains qu’il avait perçus à son bailleur pour avoir sous-loué son appartement sur Airbnb sans obtenir préalablement son accord. Les arrêts rendus par la suite confirme cette jurisprudence désormais constante.  

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Depuis l’arrêt rendu par la Cour de cassation précité, le sujet reste toujours d’actualité. En dépit du Covid-19, six décisions ont été rendues au 20 juillet 2020.

Soucieux de vous offrir régulièrement les dernières actualités juridiques en matière de location meublée touristique, le cabinet DERHY AVOCAT est le premier cabinet à vous exposer toutes les dernières jurisprudences rendues après l’arrêt de la Cour de cassation précité. Lumière sur les derniers arrêts rendus en la matière !

1. Principe : l’interdiction de sous-louer sans l’accord du bailleur

Il convient de rappeler que l’article 8 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 pose une interdiction de principe au locataire de procéder à la sous-location de son appartement constituant sa résidence principale, sauf à obtenir l’accord de son bailleur. Il en va de même des baux civils ou des baux ayant trait à la location d’une résidence ne constituant pas la résidence principale du locataire.

En cas d’infraction, le propriétaire peut exiger la résolution du bail en justice, outre des sanctions financières extrêmement importantes à l’égard de son locataire, comprenant notamment le remboursement de la totalité des gains qu’il aura obtenus au titre de son activité de sous-location.

 

2. A quels risques est exposé le locataire en cas de sous-location illicite sur Airbnb ?

2.1 Initialement, condamnation à de simples dommages et intérêts en cas de sous-location Airbnb 

Avant que les plateformes explosent, le locataire qui sous-louait son appartement sur une plateforme de type Airbnb était condamné à verser uniquement de simples dommages et intérêts à son bailleur. C’est le Tribunal d’instance du 5è arrondissement qui a condamné pour la toute première fois un locataire à payer la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts par un jugement en date du 6 avril 2016.

2.2 Le remboursement des sous-loyers Airbnb ordonné par la Cour de Cassation 

Deux ans plus tard, la Cour d’Appel de Paris, par un arrêt du 5 juin 2018, a, pour la première fois, condamné un locataire à restituer la totalité des fruits civils qu’il a perçus à son bailleur au titre de son activité de sous-location illicite sur Airbnb, en se fondant sur la théorie de l’accession prévue par les articles 546 et 547 du Code civil.

Les décisions qui ont été rendues par la suite pour des faits similaires n’étaient pas constantes.

 En conséquence, les chances de succès d’une telle action menée par un propriétaire bailleur n’étaient pas garanties et poussaient ainsi indirectement les locataires à violer leurs obligations contractuelles dès lors qu’une telle activité leur était très lucrative.

Il a fallu attendre un arrêt du 12 septembre 2019 n°2018-20727,pour que la Cour de Cassation se prononce pour mettre un terme à ces incertitudes jurisprudentielles. Aux termes de son arrêt inédit et publié, elle a confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel précité.

Précisément, la Haute juridiction a affirmé qu’en cas de sous-location non autorisée les sous-loyers perçus par le locataire constituaient des fruits civils qui devaient appartenir par accession au propriétaire sur le fondement des articles 546 et 547 du Code civil et que le contrat de sous-location est inopposable au propriétaire du bien puisqu’il ne concerne que les parties au contrat.

 2.3 Depuis l’arrêt de la cour de cassation le remboursement des sous-loyers est automatiquement ordonné  !

Si les décisions récemment rendues viennent toutes confirmer la condamnation des locataires à rembourser à leur bailleur les loyers perçus en sous-location (2.3.1), le Tribunal judiciaire de Paris par une décision du 5 juin 2020 a lancé une « bombe » en condamnant solidairement le locataire et la plateforme Airbnb à rembourser au bailleur la totalité des fruits civils (2.3.2).

* Par un arrêt rendu en date du 1eroctobre 2019 n°16/05295, la Cour d’appel de Paris rappelle le principe posé par la Cour de cassation sur le fondement de la théorie de l’accession par combinaison des articles 546 et 547 du Code civil. Ainsi, elle retient que le détournement fautif de fruits civils, produits par la sous-location à l’insu et au détriment du propriétaire, oblige l’auteur de ces agissements à lui rembourser les sommes qu’elle a perçues à ce titre dès lors que les revenus tirés de la sous-location non autorisée appartiennent au propriétaire. 

En outre, la Cour a prononcé la résiliation du bail conventionné en considérant que le fait que la locataire ait des enfants mineurs dont elle assume seule la charge avec de faibles revenus n’était pas une raison suffisante pour empêcher la résiliation du bail.

* Par un arrêt rendu le 21 janvier 2020 n° 19/01794, la Cour d’appel de Bordeaux rend une décision identique et retient que la faiblesse des revenus du locataire ne justifie pas la violation de l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989.

* L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris en date du 21 février 2020 n°18/23633 condamne dans les mêmes termes.

Dans cette affaire, la cour d’appel a retenu que le fait que l’auteur de l’annonce sur le site Airbnb ne soit pas le locataire lui-même ne le désengage pas de ses obligations contractuelles dès lors qu’il est censé être responsable des agissements des occupants de son chef et en particulier de ses enfants majeurs vivant avec elle dans les lieux loués.

Par ailleurs, le juge du fond a retenu que le fait que depuis le constat d’huissier l’annonce ait été retirée et que l’infraction ait cessé, n’avaient aucune incidence sur la gravité des manquements. 

Ces pour ces mêmes raisons que Cour d’appel de Paris a prononcé la résiliation du bail et l’expulsion, peu importe les problèmes de santé du locataire. En l’espèce, il s’agissait d’un logement conventionné ouvrant donc droit à des prestations sociales et destinés à des locataires dont les revenus ne doivent pas dépasser un certain seuil.

* Par un arrêt du 5 juin 2020 n°11-19-005405, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné le locataire à verser la somme de 51.009,61€, correspondant à la totalité des sous-loyers perçus à titre de fruits civils. Il précise que le droit de percevoir ces fruits est totalement indépendant de la démonstration de l’existence d’un préjudice, dès lors que le détournement fautif au détriment du propriétaire de fruits civils produits par la sous-location de la propriété immobilière cause nécessairement un préjudice financier à celui-ci.

* Par un arrêt rendu le 1erjuillet 2020 n°19/03339, la Cour d’appel d’Orléans a de la même manière condamné le locataire à rembourser les revenus tirés de façon déloyale.

Par ce même arrêt, la Cour d’appel d’Orléans énonce explicitement que la locataire ne peut tirer argument de son ignorance alléguée. En l’espèce, elle prétextait que la notice d’information jointe au bail ne portait pas la signature et la paraphe de son bailleur. Le juge a retenu que ce motif ne présentait aucun intérêt et ne saurait constituer un motif légitime dès lors que ladite notice contenait la paraphe et la signature du locataire, lesquels valent approbation de l’intégralité des termes mentionnés sur le texte qui les porte.

 

Ainsi ces décisions montrent clairement que les juges font une interprétation très stricte de la clause interdisant la sous-location sur le fondement de la théorie de l’accession et se refusent à prendre en considération tout élément qui serait susceptible de constituer une circonstance atténuante (faible ressources, femme célibataire avec enfants à charge, ignorance…)

3 La condamnation solidaire d’Airbnb aux côtés du locataire est-elle définitivement acquise ?

 Aux termes de son jugement du 5 juin 2020 précité, le Tribunal judiciaire de Paris a reconnu la société Airbnb « responsable des actes commis par ses utilisateurs sur sa plate-forme ».

C’est la seconde fois que la société a été condamnée solidairement avec le locataire pour lui avoir permis de sous-louer illégalement son appartement sur sa plateforme, puisqu’un premier jugement avait été rendu en ce sens le 6 février 2018 par le TI du 6 ème arrondissement de Paris.

 Au soutien de son analyse, le juge a retenu que la plateforme n’exerce pas une simple activité d’hébergement à l’égard des hôtes qui ont recours à son site mais à une activité d’éditeur, dès lors qu’il existe divers éléments qui attestent du « caractère actif » d’Airbnb dans sa mise en relation entre les hôtes et ses voyageurs.

En effet, la société Airbnb a un véritable droit de regard sur les activités réalisées par son intermédiaire et le contenu de ses annonces. Elle s’arroge le droit de retirer un contenu pour non-respect des conditions contractuelles du site, mais également pour toute autre raison à son entière discrétion. Inversement, ceux qui respectent au mieux ses directives peuvent être récompensées par l’attribution du qualitatif de « superhost ». Elle est également en capacité de vérifier si l’hôte dispose du droit de proposer à la location un bien ou non, conformément à l’article 2.4 de ses conditions de service.

En s’abstenant de vérifier le contenu des annonces et activités réalisées par son intermédiaire en qualité d’éditeur, le Tribunal a considéré qu’elle a commis une faute qui a concouru au préjudice subi par le bailleur. Par son comportement fautif, le Tribunal a donc retenu qu’elle avait concouru au préjudice du bailleur du fait de l’appropriation par le locataire de sous-loyers en contrepartie de la disposition de son bien à ses dépens. C’est ainsi qu’il a reconnu que ladite plateforme devait être condamnée solidairement avec le locataire au remboursement de la totalité des fruits civils.

Attention :  

Il convient de rester prudent sur les motivations du Tribunal dès lors qu’il s’agit d’une décision rendue en première instance qui risque fortement d’être infirmée en appel.

A ce stade, il serait bien trop peu raisonnable et imprudent pour affirmer que cette décision deviendrait intangible.

Airbnb a annoncé son intention de faire appel et a affirmé en outre que « les commissions perçues par la société ne peuvent être qualifiées de fruits civils, les commissions étant la contrepartie de la mise en disposition de sa plate-forme et non des fruits de la location ».

Si cette décision venait à être confirmée en appel, il serait possible de voir dans un avenir proche la chute libre desdites plateformes et donc l’arrêt d’un tel business model, dès lors que les conséquences financières qui en résulteraient seraient colossales. 

Affaire à suivre…

 

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