Cet article a pour objet d’éclairer et d’aviser les loueurs de meublés qui ont reçu une convocation à une opération de contrôle de la ville de Paris ou ont déjà fait l’objet d’une opération de contrôle au titre de leurs locations saisonnières Airbnb. Souvent prise avec légèreté, ce premier niveau de contrôle constitue une étape déterminante dès lors qu’elle influe sur les conséquences à venir en cas de procédure contentieuse.
Comment se défendre suite à une opération de contrôle menée par la Ville de Paris pour vos locations airbnb?
I. Rappel de l’obligation de changement d’usage des locaux à usage d’habitation au titre de vos locations airbnb
A Paris, dans l’ensemble des trois départements de la petite couronne parisienne (Hauts-de-Seine, Seine- Saint- Denis et Val-de-Marne), dans les villes de plus de 200.000 habitation, ainsi que dans certaines villes de plus de 50.000 habitants, une réglementation spécifique s’applique à la location saisonnière en imposant la transformation des “locaux à usage d’habitation” en locaux à un “autre usage” (commercial, hôtelier…), dès lors que le bien ne constitue pas votre résidence principale.
Ce changement d’usage nécessite une autorisation préalable de la Mairie de Paris (ou par le maire du lieu de situation du local pour les communes concernées) aux termes de l’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation laquelle est subordonnée à compensation notamment à Paris.
Le principe de compensation subordonnée au changement d’usage constitue une opération onéreuse décourageant ainsi les propriétaires à se conformer à la loi. C’est pour cela que de nombreuses personnes louent leurs locaux à usage d’habitation directement sur les plateformes de type Airbnb sans procéder préalablement au changement d’usage en violation de la loi.
Pour autant, les sanctions sont à prendre au sérieux dès lors que les opérations de contrôle ne cessent de proliférer, et vous expose à l’engagement d’une action en justice par la Ville de Paris et au prononcé d’une amende civile de 50.000 €, outre une astreinte journalière d’un montant maximal de 1.000 € par jour et par m2, en application de l’article L.651-2 du Code de la Construction et de l’Habitation.
2. Comment la Mairie de Paris a-t-elle eu connaissance de mes activités locatives saisonnières ? De quelles pièces dispose-t-elle à mon encontre ?
Avant toute opération de contrôle, une enquête préalable a été menée par un agent de la Ville de Paris.
En effet, si vous avez été destinataire d’un courrier du chef du bureau de la protection des locaux d’habitation de la Ville de Paris, c’est qu’il dispose au préalable de nombreux éléments attestant la présomption de votre infraction, à savoir que vous louez une ou plusieurs de vos résidences secondaires sans avoir procédé au changement d’usage de votre local.
En effet, l’instruction d’un dossier commence soit par des signalements envoyés à la Direction du Logement et de l’Habitat de la mairie de Paris par des particuliers, voisins, syndicat des copropriétaires, soit par des enquêtes menées par des agents assermentés de la Ville sur internet en raison du défaut d’immatriculation de votre annonce ou au regard du nombre important de vos commentaires, ou encore par des visites inopinées des agents municipaux.
Ces enquêtes reposent sur la consultation d’annonces de locations de logements sur les plateformes internet dédiées (Airbnb, Booking, Tripadvisor etc).
A cette occasion, les agents font des captures d’écran des annonces en ligne, des commentaires des clients, des photos du logement proposé, du nom de l’hôte, ainsi que du prix de la nuitée, du défaut d’immatriculation de votre annonce.
Également, ils peuvent procéder à des simulations de réservation de nuitées à trois mois. Le prix de la nuitée, les dates et la fréquence des commentaires, les simulations de réservation constituent de précieux faisceaux d’indices permettant à la Ville de Paris d’estimer les revenus que vous avez encaissés et ceux escomptés.
Ils peuvent également questionner le voisinage ou le syndicat de copropriété afin de corroborer ces éléments. Cette enquête préalable s’ensuit de l’envoi d’un courrier au contrevenant lui signifiant l’illégalité de la location et la programmation d’une visite dite « opération de contrôle » avec le contrôleur désigné dans un délai de 15 jours.
A ce stade, il est fortement conseillé de prendre attache avec un avocat spécialisé en location saisonnière afin de préparer utilement votre rendez-vous qui constitue une étape primordiale pour les suites à venir.
3. Quel comportement dois-je adopter avec l’agent de la Ville de Paris lors d’une opération de contrôle ?
L’opération de contrôle diligentée par la Ville de Paris est une étape primordiale dont le comportement du loueur est déterminant. Se montrer coopératif permet de réduire le montant de l’amende prononcé par le juge, -lequel dispose d’un pouvoir de libre appréciation -, voire d’éviter toute poursuite judiciaire .
Il est donc important de coopérer, de fournir tous les documents demandés par l’agent au jour de l’opération de contrôle, à savoir : la copie du bail d’habitation en cas de location, dernier avis d’imposition en cas de résidence principale, titre de propriété, la copie de l’avis de la taxe d’habitation, l’historique des relevés locatifs de chaque plateforme utilisée sur les 12 derniers mois, de remplir le formulaire qu’il vous transmettra.
Toutefois, en pratique, il est possible avec l’accord de l’agent assermenté de lui adresser les pièces dans les jours qui suivent l’opération de contrôle.
Si la présence d’un avocat n’est pas obligatoire à ce stade, il n’en reste pas moins que son intervention peut vous être extrêmement utile à ce stade.
En effet, au regard des pièces et observations que vous lui aurez apportées, votre avocat pourra utilement adresser un courrier à la Mairie de Paris pour que l’avocat de la Ville de Paris décide :
-soit de ne plus vous poursuivre ;
– soit de voir rejeté ou diminué l’amende civile qui sera prononcée à votre encontre par le juge en cas de procédure contentieuse. .
L’avocat pourra demander à ce que son courrier soit annexé au constat d’infraction et donc joint à l’assignation en cas de procédure contentieuse à votre encontre, de telle sorte que le juge pourra utilement apprécier votre coopération à l’opération, de contrôle.
4. Que se passe t-il après l’opération de contrôle menée par la Ville de Paris?
A l’issue de l’opération de contrôle, la Ville peut soit conclure à l’absence d’infraction soit transmettre le dossier aux avocats de la Ville. Dans une telle hypothèse, vous serez donc assigné en justice et vous trouverez le constat d’infraction annexé à votre assignation.
En cas de procédure judiciaire, il se peut que le constat d’infraction puisse être contesté. C’est ainsi que dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de PARIS du 21 février 2019, n°18-17027, la Mairie de Paris a été déboutée au motif que le constat d’infraction n’était ni daté, ni signé, et ne remplissait donc les conditions de formes exigées alors même que l’infraction était attestée.
Également, votre avocat peut parvenir à démontrer au juge que l’action de la Ville de Paris est infondée. Tel est le cas, s’il parvient à justifier que l’infraction n’est pas établie en rapportant la preuve que votre local est à usage commercial ou qu’il constitue votre résidence principale et que vous avez respecté la période légale de 120 jours/an (CA Paris 5 juin 2018 n°16/10684 ; CA Paris 13 décembre 2018).
Dans le cas où l’infraction est prouvée, le rôle de l’avocat est de tenter de réduire le montant de l’amende pouvant être infligée. A ce titre, plusieurs motifs, pouvant constituer des circonstances atténuantes à votre condamnation éventuelle, ont fait leur preuve en justice, en faisant état :
- soit de vos difficultés personnelles (séparation, problèmes de santé..) ou financières (en raison d’importants travaux, emprunts bancaires, chômage …) ;
- soit de votre comportement coopératif lors de l’opération de contrôle (clôture du compte, remise en location du logement par un bail meublé, cessation de l’infraction avant l’opération de contrôle ou concomitamment..) ;
- soit de l’enrichissement réel entre les revenus tirés de l’activité de location saisonnière et ceux qui auraient pu être perçus au titre d’un bail classique d’habitation/bail mobilité
- le règlement de vos impôts tiré de vos revenus airbnb
Pour votre parfaite information, il n’existe pas une seule défense et les circonstances atténuantes ci-avant exposées ne sont pas les seuls critères retenus par les juges.
5. Un gel des procédures contentieuses menées par la Ville de Paris au titre des locations saisonnières
Dans un arrêt en date du 15 novembre 2018 (RG n° 17-26.158), la Cour de cassation a sursis à statuer en acceptant de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) pour qu’elle se prononce sur le fait que les dispositions de l’article L631—7 du CCH -qui impose la transformation des locaux d’habitation en un « autre usage » en vue de leur location en meublé touristique-, sont ou non compatibles avec les dispositions de la directive européenne service 2006/123/CE du 12 décembre 2006. La Cour européenne doit se prononcer d’ici 2020.
La position de la Cour de cassation a été suivie par les tribunaux judiciaires à Paris. C’est ainsi que si les instances sont gelées, ces dernières reprendront leur cours, une fois que la Cour Européenne se sera prononcée sur ce point.
Dans l’attente, la Ville de Paris continue d’assigner régulièrement les fraudeurs à la réglementation de l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation et ne compte pas ralentir le rythme afin de conserver à titre conservatoire le bénéfice des infractions constatées si ledit article s’avère être déclaré comme conforme à la directive par la CJUE.
En conclusion : l’opération de contrôle ne doit pas être négligée et l’assistance d’un avocat spécialisé en location saisonnière est capitale pour démontrer à la Ville de PARIS la régularité de votre situation juridique et/ ou démontrer votre coopération dans la cessation de l’infraction en vue d’une prochaine procédure judiciaire.