Lasse des allées et venues dans son immeuble, une copropriété dispose de plusieurs outils pour mettre fin à l’activité de location meublée saisonnière. Inversement, le propriétaire qui souhaite pratiquer une telle activité peut parvenir à lever l’interdiction que sa coprorpiété lui oppose si celle-ci est injustifiée et abusive.
1er moyen : Le règlement de copropriété interdit-il la location meublée saisonnière ?
Lorsque les locations de courte durée interviennent dans le cadre d’une copropriété, la loi du 10 juillet 1965 est régulièrement invoquée au soutien de contentieux opposant les bailleurs qui se fondent sur leur liberté de pouvoir disposer de leur bien de ceux qui souhaitent voir interdire les locations meublées en se fondant sur le règlement de copropriété.
Dans une telle situation, les juges vont rechercher si l’interdiction est prévue dans le règlement de copropriété. S’il est silencieux à ce sujet, ils regarderont si une telle activité est conforme ou non à la destination de l’immeuble ou à ses conditions de jouissance.
Mon règlement de copropriété interdit la location meublée
Le règlement de copropriété fixe les règles pour préserver les conditions de jouissance au sein d’une copropriété. A cet effet, il peut prévoir l’interdiction expresse l’activité de locations meublée de courte durée ou la restreindre. Néanmoins, il ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble (article 8 loi du 10 juillet 1965) dès lors chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble (article 9 loi 10 juillet 1965).
Partant de ce postulat, les juges admettait classiquement que si le réglement de copropriété prévoyait :
–– une clause interdisant purement et simplement les locations meublées, celle-ci serait illicite si elle ne peut être justifiée par le respect de la destination de l’immeuble. Dans une telle situation, le copropriétaire peut saisir le tribunal pour la voir réputée non écrite, lequel appréciera sa licéité en considération de la destination de l’immeuble (Cass civ. 3e, 9 juin 2010, Jurisdata n°2010- 008765).
– une clause d’habitation bourgeoise exclusive, réservant ainsi l’immeuble en son entier à de l’habitation, l’activité de location de meublée touristique serait interdite.
– une clause à destination bourgeoise, -c’est-à-dire que les activités libérales et habitation sont autorisées-, ou encore à usage mixte, -permettant l’activité commerciale sous réserve de respecter l’affectation des lots-, alors l’activité de location de meublée touristique serait en principe autorisée.
-C’est ainsi, que dans un arrêt du 8 juin 2011, n°10-15891, la cour de cassation rappelait ce principe en reconnaissant que devait être réputée non écrite la clause du règlement de copropriété soumettant la possibilité de louer son lot en meublé à l’autorisation de l’assemblée générale dès lors que l’exercice de professions libérales était permis expressément dans l’immeuble. En conséquence, la cour a reconnu à bon droit qu’une telle restriction n’était pas justifiée par la destination de l’immeuble en relevant que l’activité de location meublée n’était pas en l’espèce suffisamment différente d’une activité de profession libérale autorisée dans le règlement, dès lors que ces activités entrainaient des nuisances identiques.
– Toutefois, dès 2013, ces principes ont été fragilisés par un arrêt de la cour d’appel de Paris (CA Paris, 11 Septembre 2013, n° 11/12572).
Dans cette affaire, les juges ont décidé de durcir leur position en ne prenant plus en compte la mixité d’usage de l’immeuble et la proximité de ladite activité avec les clientèles des professions libérales. Ils se sont désormais appuyés sur deux critères essentiels, à savoir :
– l’activité commerciale que constitue la location, même de courte durée, de meublés touristiques ;et
– les troubles de voisinage susceptibles d’être causés par cette activité
En l’espèce, ces deux éléments étaient bien caractérisés : les locations contestées s’apparentaient bien à des prestations commerciales d’hôtellerie, incompatibles avec le règlement de copropriété excluant toute activité commerciale et contrevenait à la clause d’habitation bourgeoise. Toutefois, dans cet arrêt l’activité litigieuse était exercée dans un lot à usage d’habitation et non commercial.
– Dans un arrêt en date du 8 mars 2018, n°14-15.864, la Cour de cassation a reconnu que la rotation de courtes périodes de location dans des « hôtels studios meublés » n’est pas compatible avec la destination d’un immeuble à “usage d’habitation, avec possibilité d’usage mixte professionnel-habitation, à l’exclusion de toute activité commerciale”, dès lors que le règlement de copropriété traduit une volonté de stabilité des occupants.
Dans cette affaire, afin de maximiser la rentabilité de leur investissement, des copropriétaires ont divisé quatre appartements d’un même immeuble en studios, qu’ils ont affecté à une activité quasi-hôtelière au moyen d’un site internet de réservation en ligne. D’autres copropriétaires les assignent en remise en état des lieux. La cour d’appel accueille leur demande, même si la location meublée n’était pas interdite, en se fondant sur l’atteinte à la destination résidentielle de l’immeuble du fait de la rotation des périodes de location.
La Cour de cassation confirme en privilégiant le caractère résidentiel de l’immeuble, lequel est confirmé dans sa durée et sa stabilité par l’obligation pour le copropriétaire d’aviser le syndic de l’existence d’un bail dans les quinze jours de l’entrée en jouissance du locataire. La cour d’appel en a souverainement déduit, estime la Cour de cassation, que l’installation par les copropriétaires, dans leurs lots, d’occupants pour de très brèves périodes ou mêmes des longs séjours, dans des « hôtels studios meublés » avec prestations de services, entraînait des rotations de périodes de locations qui ne correspondaient pas à la destination de l’immeuble.
Plus récemment encore, par un arrêt du 27 février 2020, la Cour de cassation a confirmé l’interdiction des locations saisonnières dans une copropriété à destination bourgeoise en raison de la nature commerciale d’une telle activité.
Cet arrêts confortent définitivement l’orientation de la jurisprudence récente vers une appréciation assez stricte de la conformité des locations de ce type avec les clauses du règlement de copropriété.
Le règlement de copropriété n’interdit pas expressément la location meublée
Si le règlement n’interdit pas expressément cette activité, il n’en reste pas moins que le propriétaire qui souhaite s’adonner à une activité de location meublée de courte durée doit respecter la tranquillité de l’immeuble et les droits des autres copropriétaires.
2ème moyen : L’activité de location saisonnière provoque t-elle des troubles anormaux de voisinage dans la copropriété ?
Si le règlement de copropriété n’interdit pas cette activité et que le changement d’affectation du lot a été respectée, il n’en reste pas moins que le copropriétaire qui pratique la location meublée saisonnière de son bien, doit veiller au respect de la tranquillité de l’immeuble et de l’ensemble des autres copropriétaires.
En cas de nuisances de la part de son locataire, (cris, tapage nocturne, dégradation des parties communes…), le syndicat a qualité pour agir à l’encontre du copropriétaire pour trouble anormal de voisinage. C’est ainsi que dans un arrêt du 21 mai 2014 la cour d’appel de Paris a condamné le propriétaire d’un appartement à payer au syndicat la somme de 7000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des troubles anormaux de voisinage occasionné par son locataire.
La théorie du trouble anormal de voisinage permet d’engager la responsabilité du responsable sans qu’il soit nécessaire qu’une quelconque faute soit rapportée. C’est une responsabilité objective qui nécessite de rapporter la preuve d’un lien de causalité entre un fait et une nuisance constitutive d’un trouble anormal.
Reste que néanmoins si l’action est menée par le syndicat, celui-ci devra rapporter la preuve que le trouble est collectif et non pas affecté à un seul lot. En pratique cette preuve peut être difficile à établir dès lors que les séjours sont de courte durée.
Cette action est également offerte au copropriétaire qui peut agir seul si son seul lot est affecté par le trouble (Cour d’appel de Paris 15 juin 2016 n° 15/18917).
3ème moyen : L’affectation du lot par le règlement de copropriété permet-elle la location saisonnière ?
Il arrive bien souvent qu’un copropriétaire ne respecte pas l’affectation de son lot désignée par le règlement de copropriété. Une telle situation peut entraîner des différends entre le copropriétaire et le reste de la copropriété.
Le principe : L’affectation du lot doit être commercial
Le règlement de copropriété constitue « la loi des parties » selon l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, c’est-à-dire qu’il définit les parties communes, privatives, leurs modalités de jouissance et d’administration. Ainsi, tous les copropriétaires et les locataires doivent se conformer au règlement de copropriété, et notamment l’affectation des lots.
Par ailleurs, chaque copropriétaire est libre d’utiliser ses parties privatives, à la condition de ne pas causer de trouble aux autres copropriétaires ni de porter atteinte à la destination de l’immeuble, selon les termes de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965.
L’activité de location de meublée saisonnière est une activité commerciale. Ainsi, le copropriétaire peut louer son local commercial en location saisonnière si son règlement de copropriété ne s’oppose pas à l’exercice d’une telle activité.
L’affectation du lot est incompatible avec l’activité de location saisonnière
Comment changer l’usage de mon lot d’habitation en copropriété pour exercer une activitée de meublée touritisque ?
Certains copropriétaires n’hésitent pas à réaffecter leur lot en infraction à celle indiquée dans le règlement de copropriété.
C’est ainsi que l’activité de location meublée est interdite si elle est exercée dans un lot dévolu à l’habitation qui ne constitue pas la résidence principale du loueur, quand bien même la destination de l’immeuble telle que définie dans le règlement de copropriété permettrait une telle activité.
Pour se faire, l’article L. 631-7 du CCH impose une procédure de changement d’usage du lot d’habitation s’il ne s’agit pas d’une résidence principale, pour pouvoir l’affecter à une activité de meublé de tourisme. Dans une telle hypothèse, le propriétaire devra faire connaitre au syndicat du respect de l’accomplissement de cette procédure :
– soit sans l’accord de la copropriété dans le silence du règlement de copropriété ;
– soit à l’unanimité des copropriétaires au cours d’une assemblée générale des copropriétaires le cas échéant.
En cas de refus injustifié, un abus de majorité pourra être reproché au syndicat des copropriétaires dans l’hypothèse :
– d’un règlement qui accepterait une activité de location meublée de courte durée,
– si une telle activité est déjà exercée par un autre copropriétaire et acceptée par la copropriété.
Toutefois, le refus de changement d’usage pourrait être justifié si l’immeuble est à destination bourgeoise.
A quels risques je m’expose si je change l’affectation de mon lot au mépris du réglement de copropriété?
Tout copropriétaire ou syndicat de copropriétaires pourra assigner le copropriétaire fraudeur aux fins que soit ordonné le rétablissement de l’affectation du lot conformément à celle prévue dans le règlement de copropriété, et ce sous astreinte journalière.
Cette action repose sur l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose que les actions personnelles entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de 5 ans.
Dans un arrêt en date du 8 juin 2017, n°16-16565, la Cour de Cassation précise que la prescription ne se calcule pas à compter de la première affectation illicite du lot au regard de celle définie par le règlement de copropriété, mais à compter de la dernière si les exploitations illégales sont diverses.
Enfin, le non-respect de la réglementation du changement d’usage de votre lot peut être signalé par les membres du conseil syndical ou tout copropriétaire à la Mairie de Paris. A l’issue de son enquête, celle-ci peut décider de mener une opération de contrôle et vous assigner afin de solliciter votre condamnation en justice à une amende maximal de 50.000 €/meublé, outre 5.000€ en cas de défaut de déclaration du meublé.
Retrouvez la participation de Me DERHY pour le Figaro – Particulier concernant les outils pour stopper les locations airbnb en copropriété
Lorène DERHY a été sollicitée par Le Figaro afin d’exposer de manière pratique les moyens d’action dont dispose une copropriété pour faire cesser les locations de meublés touristiques dans son immeuble.
En conclusion, les juges sont amenés à rechercher au cas par cas la possibilité d’exercer d’une activité de location meublée de courte durée dans une copropriété, et ce en vérifiant la comptabilité de cette activité avec la destination de l’immeuble et les clauses du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division.
Toutefois, on constate aisément que les juges sont enclin à l’accepter plus facilement si le règlement autorise une telle activité ou l’interdit expressément. Inversement, si le règlement ne prévoit aucune disposition à ce sujet, les juges vont étudier la régularité de cette activité avec la destination de l’immeuble.
N’hésitez pas à contacter le cabinet pour toute consultation ou information.