Dernière mise à jour le 07/01/2020

Comment résilier un bail commercial en cas de manquement du locataire ?

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La grande majorité des baux commerciaux prévoient une clause résolutoire permettant la résiliation du bail commercial de plein droit en cas de manquement du locataire à une seule de ses obligations contractuelles. Le juge peut en suspendre ses effets en octroyant des délais de paiement au locataire. En l’absence d’une telle clause, l’une des parties peut obtenir la résolution du bail commercial en engageant une procédure au fond : c’est la résolution judiciaire (anciennement appelée résiliation judiciaire du bail).

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1er cas : La résiliation du bail commercial de plein droit par le jeu de la clause résolutoire

Est-ce que mon bail contient une clause résolutoire visant le manquement du locataire ?

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Le bailleur, qui sollicite en justice la constation de l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail commercial, doit notifier préalablement, par acte d’huissier, sa demande en constatation de l’acquisition de la clause aux créanciers inscrits sur le fonds.

  • Quelles sont les conditions préalables à respecter pour faire jouer la clause résolutoire de mon bail ?

Prévue à l’article L. 145-41 al 1 du Code de commerce, la mise en œuvre de la clause résolutoire suppose :

– la violation d’une stipulation expresse du bail par le preneur à ses obligations ;

– cette infraction doit être expressément visée par la clause ;

– la clause résolutoire doit être invoquée de bonne foi par le bailleur ;

– la persistance de l’infraction pendant plus d’un mois après délivrance d’un commandement, qui est un acte extrajudiciaire délivré par huissier.

 

  • Comment se déroule la procédure pour obtenir la résiliation de plein droit du bail commercial en cas de manquement de mon locataire ?

La mise en œuvre de la clause exige que le bailleur ait préalablement notifié au preneur un commandement précisant expressément les infractions reprochées, et qu’il entend user du bénéfice de la clause résolutoire si celui-ci n’exécute pas ses obligations dans le délai imparti d’un mois. Le délai d’un mois est un délai minimal, les parties sont libres de fixer un délai plus long conventionnellement.

Le juge n’a pas à vérifier la régularité du commandement. Par ailleurs, la nullité du commandement pour vice de forme ne peut pas être invoquée pour la première fois en appel, dès lors que le locataire a déjà fait valoir sa défense au fond en première instance.

Lorsque les conditions sont réunies et que l’infraction visée par la mise en demeure persiste au-delà du délai d’un mois, la résiliation du bail commercial est acquise de plein droit. Le bailleur devra alors la faire constater par le tribunal de grande instance ou le juge des référés compétent (sauf en cas de contestation sérieuse). A contrario, si le locataire a obtempéré à la mise en demeure dans le délai prévu, la clause résolutoire ne joue plus.

Contrairement aux juges du fond qui a un pouvoir d’appréciation de la gravité de la faute commise par le locataire, le juge des référés se limite à constater l’acquisition de la clause résolutoire qui intervient à la date d’expiration du délai imparti par le commandement et à prononcer la résiliation de plein droit du bail commercial à cette date.

L’ordonnance de référé qui constate la résiliation du bail commercial est exécutoire de plein droit à titre provisoire même si elle est frappée d’appel. Son exécution est poursuivie aux risques et périls du bailleur, à charge pour lui de réparer le préjudice qui en résulte en cas d’infirmation de ladite ordonnance.

A compter de la date d’acquisition de la clause résolutoire, le bail commercial est résilié de plein droit, le locataire peut être expulsé et n’est plus tenu au paiement de loyers mais d’indemnités d’occupation éventuellement.

  • Mon locataire peut-il solliciter en justice des délais supplémentaires pour repousser les effets de la clause résolutoire ?

L’article L. 145-41 alinéa 2 du Code de commerce permet au juge d’accorder au débiteur des délais de paiement en suspendant, sous certaines conditions, les effets de la clause résolutoire, tant que la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. Ainsi, le locataire doit agir avant toute décision définitive ayant l’autorité de la chose jugée.

Conformément à l’article 500 du Code de procédure civile, une décision a force de chose jugée lorsqu’elle n’est plus susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution. Ainsi, si le juge des référés est saisi, l’ordonnance sera définitive à défaut d’appel dans un délai de quinze jours à compter de sa signification, et si c’est le tribunal de grande instance qui est saisi, le jugement sera définitif passé le délai d’un mois après sa signification.

La demande de délais et de suspension de la clause résolutoire est nécessaire même si le locataire a exécuté ses obligations dès lors qu’il ne l’a pas fait dans le délai d’un mois imparti par le commandement. Faute de la demander, la juridiction saisie pourra constater la résiliation malgré l’exécution intervenue.

En conséquence, le locataire peut solliciter des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire :

– dès la signification à sa personne du commandement et avant le délai d’un mois à compter de sa signification,

– soit devant le juge des référés ou le Tribunal de grande instance saisi, par une demande reconventionnelle,

– pour la première fois devant la Cour d’appel.

 

  • Quelles conditions doit respecter le locaatire pour solliciter l’octroi de délai en justice ?

– Nécessité d’une demande du locataire à bénéficier des délais prévus par l’article 1343-5 du Code civil. Le locataire doit justifier de motifs valables pour expliquer ses agissements et être en mesure de régler sa dette en cas de retard de son arriéré locatif.

 

– La demande doit intervenir avant que la résiliation n’ait été constatée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée

 

– Pouvoir discrétionnaire du juge d’accorder des délais. Dan l’affirmative, ils seront subordonnés au règlement des causes du commandement et en général à la condition que les loyers courants soient également payés.

 

– La décision du juge repose sur : la situation du locataire en recherchant s’il est de bonne foi  et si sa situation lui permet pas de se libérer immédiatement mais également des besoins du bailleur.

 

– Le délai ne peut pas excéder deux ans et il court à compter du jour du jugement s’il est contradictoire et du jour de la notification du jugement dans les autres cas. Si le juge accepte, le locataire doit se libérer scrupuleusement dans les conditions fixées par le juge. A contrario, la clause est définitivement acquise s’il n’y satisfait pas et le bail sera résilié.

La demande d’octroi de délai est recevable devant le juge du fond même si une ordonnance de référé a constaté l’acquisition de la clause résolutoire car cette ordonnance n’a pas au principal autorité de la chose jugée. Elle est en revanche irrecevable devant la juridiction de référé en présence d’une précédente ordonnance devenue définitive.

Cependant, si l’ordonnance de référé n’a pas, au principal autorité de la chose jugée, il n’en reste pas moins qu’elle lie les juges du fond lorsque, passée en force de chose jugée, elle a accordé des délais que le locataire n’ a pas respecté. Dans ce cas, les juges du fond ne peuvent pas en accorder de nouveaux.

Par ailleurs, la Cour d’appel peut suspendre les effets de la clause résolutoire pendant un délai supérieur à celui que le premier juge avait accordé, à condition que des circonstances nouvelles justifient la demande de délai complémentaire du locataire.

2ème cas : La résiliation judiciaire du bail commercial en l’absence de clause résolutoire

 

Quelles sont les conditions à respecter pour solliciter la résiliation judiciaire du bail commercial en cas de manquement du locataire ? 

  • Le manquement du locataire doit être suffisament grave

En cas d’absence de clause résolutoire dans le bail commercial, ou lorsque le manquement du locataire n’est pas expressément visée par la clause, le bail peut être résilié à la demande de l’une des deux parties qui a subi le manquement en engageant une action en justice au fond, par devant le tribunal de grande instance des lieux loués. C’est la résolution judiciaire du bail..

Cette voie est moins rapide et plus aléatoire dès lors que l’appréciation du manquement invoqué doit revêtir une gravité suffisante qui est souverainement appréciée par les juges du fond. Celui-ci peut refuser de la prononcer, mais il doit dans ce cas prévoir des mesures pour mettre fins auxdits manquements, en accordant des délais ou des  dommages et intérêts.

  • quelle est la procédure à suivre pour obtenir la résolution judiciaire du bail commercial en cas de manquement du locataire ?

La demande en résiliation ne nécessite aucune mise en demeure préalable sauf clause contraire du bail. Elle interviendra donc à tout moment et sera prononcée par les juges qu’en cas d’infraction suffisamment grave résultant de la faute de l’une des parties, tels que  :

– non-paiement des loyers et charges,

– exercice dans les lieux loués d’activités complètement différentes de celles prévues par le bail, sans autorisation préalable du bailleur,

– sous-location irrégulière ou cession du bail réalisée au mépris de la clause exigeant l’accord du bailleur,

– défaut d’entretien des lieux loués,

– non-exploitation régulière du fonds de commerce dès lors que l’obligation d’exploiter le fonds est expressément prévue au bail.

Le bailleur peut se prévaloir de tous les manquements aux clauses du bail quelqu’en soit l’auteur : locataire, sous-locataire, ou gérant-libre.

La résolution judiciaire prend effet à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice (Art 1229 c. civ.). A compter de la résolution du bail, le locataire devient occupant sans droit ni titre et est redevable d’une indemnité d’occupation en cas de maintien dans les lieux tant qu’il n’a pas remis les clés au bailleur et éventuellement de dommages et intérêts. Faute de départ volontaire de sa part, il se verra expulser.

Lorsque c’est le propriétaire qui demande la résiliation judiciaire, il doit notifier par acte d’huissier sa demande créanciers inscrits sur le fonds pour leur permettre soit d’empêcher la résiliation du bail, soit de faire ordonner la vente du fonds.

 A noter : Depuis la réforme du 10 février 2016, toute rupture du contrat demandée au juge et prononcée par lui est une résolution ; elle ne devient résiliation que si les prestations échangées ne sont pas soumises à restitution (Art. 1229 C. civ). Il en résulte que le juge des référés qui ne peut prendre que des mesures provisoires, sans prendre part sur le fond, ne peut pas prononcer la résolution judiciaire du bail

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Comment expulser un locataire de son logement en cas de loyers impayés ?

Pour expulser le locataire en cas de loyers impayésIl convient de distinguer si le bail commercial contient une clause résolutoire visant l’infraction des loyers impayés ou non. Si le bail contient une clause résolutoire, il conviendra d’engager une procédure de référé. A défaut, il conviendra d’engager une procédure au fond par devant le tribunal de grande instance.

A l’issue de l’une ou l’autre procédure selon le cas, le bailleur devra adresser un commandement de quitter les lieux que si le jugement ordonne la résiliation du bail et l’expulsion du locataire. Le locataire aura deux mois à compter de la signification dudit commandement pour quitter le logement.

A toutes fins, le locataire pourra saisir le JEX du TGI pour obtenir un délai supplémentaire pour quitter le logement.

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En conclusion : Le bailleur ne peut pas prendre l’initiative de pénétrer dans le logement avant l’intervention d’un huissier, faire changer la serrure et toucher aux meubles, couper l’eau ou l’électricité, sous peine de poursuites pénales pour violation de domicile. L’article L 226-4-2 du Code pénal punit désormais de trois ans d’emprisonnement et de 30.000 € d’amende le fait de forcer une personne à quitter les lieux sans avoir obtenu le concours de la force publique

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