L’ouverture d’une procédure collective du locataire (procédure de sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire) n’entraîne pas la résiliation du bail commercial d’une manière automatique, même si celui-ci n’est pas à jour du règlement de ses loyers. Il continue à produire ses effets, tant que l’administrateur judiciaire ou le liquidateur décide de ne pas le résilier ou de le céder après un examen attentif de sa situation. Le bailleur peut également solliciter la résiliation du bail dans des cas limitativement prévus par la loi.
L’ouverture d’une procédure collective (procédure de sauvegarde, redressement judicaire, liquidation judiciaire) à l’encontre du locataire n’entraîne pas la résiliation automatique du bail.
La sort du bail relève de la décision de l’administrateur ou du liquidateur judiciaire, ou encore du bailleur dans des cas strictements définis par la loi. il peut ainsi évoluer de trois façons :
– il peut être continué sur décision de l’administrateur ou du liquidateur judiciaire désigné par le Tribunal ;
– il peut être résilié à l’initiative de l’admistrateur mais également du bailleur ;
– il peut être cédé.
Cas n°1 : La poursuite du bail en cas de procédure collective du locataire
L’ouverture d’une procédure collective n’entraîne pas de plein droit la résiliation du bail.
En cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire du locataire, la décision de poursuivre ou non le bail relève de la compétence exclusive de l’administrateur judiciaire.
En cas de liquidation judiciaire, c’est au liquidateur judiciaire de se prononcer sur la poursuite du bail.
Sa décision s’impose au bailleur, qui ne peut s’y opposer, même si le locataire doit encore des arriérés de loyers à la date d’ouverture de la procédure.
Si l’administrateur ne le fait pas lui-même, le bailleur doit lui demander, par l’envoi d’une LRAR, de se prononcer sur le sort qu’il entend réserver au bail commercial. Si celui-ci s’abstient de répondre dans le délai d’un mois, le bail est en principe résilié.
L’administrateur ou le liquidateur qui décide de continuer le bail doit toutefois veiller à ce que le locataire respecte toutes ses obligations et qu’il dispose des fonds nécessaires pour assumer le paiement du loyer, et, que le bail est toujours en cours au jour du jugement ouvrant la procédure collective. En cas de loyers impayés, le bailleur pourra résilier le bail.
N’est pas un bail en cours au jour du jugement ouvrant la procédure collective:
– s’il a fait l’objet d’une résiliation amiable avant l’ouverture de la procédure collective, ou
– s’il est résilié en vertu d’une décision judiciaire devenue définitive ou en vertu d’une clause de résiliation de plein droit définitivement acquise avant le jugement d’ouverture.
Si le bail est résilié mais que le locataire occupe toujours les lieux, le bailleur pourra donc l’expulser.
Dans le cas où l’administrateur décide de continuer le bail, il doit veiller à ce que le locataire respecte les échéances de loyers et charges postérieures à l’ouverture de la procédure collective, lesquelles doivent être payées au comptant sauf si le bailleur lui accorde des délais de paiement.
Cas n°2 : La résiliation du bail à l’initiative de l’administrateur
Le bail commercial peut être résilié par rupture anticipée, à tout moment après l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, par l’administrateur ou le liquidateur judiciaire, sans avoir à justifier de motifs.
Il devra le faire notamment lorsqu’il n’a pas à sa disposition les fonds nécessaires pour honorer les loyers du terme à échoir.
La résiliation intervient au jour où le bailleur est informé de la décision du liquidateur ou de l’administrateur de résilier le bail.
Le bailleur fait constater la résiliation de plein droit du bail et la date de celle-ci par le juge-commissaire (Art. R 622-13 al 2). Il est conseillé au bailleur de notifier aux créanciers inscrits la demande qu’il présente au juge-commissaire, bien que cette obligation ne soit pas tranchée juridiquement.
Cas n°3 : La résolution du bail à l’initiative du bailleur
Après l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du locataure, le bailleur peut demander la résiliation du bail, pour des motifs strictement énumérés par la loi.
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1er motif : non paiement des loyers et charges nées postérieurement à la procédure
L’administrateur ou le liquidateur qui a décidé de poursuivre le bail après le jugement d’ouverture de la procédure collective à l’encontre du locataire est tenu de payer les loyers et charges à leurs échéances.
Faute de pouvoir honorer cette exigence légale, le bailleur est en droit de demander la résolution judiciaire (certains continuant à l’appeler résiliation judiciaire) par devant le tribunal de grande instance ou par devant le juge des référés ou le juge-commissaire pour une action en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire de plein droit.
Pour se faire, le bailleur ne peut agir en résiliation du bail qu’au terme d’un délai de trois mois suivant :
– le jugement d’ouverture de la procédure de redressement ou de sauvegarde
– la publication du jugement d’ouverture en cas de liquidation judicaire
Si le paiement des sommes dues intervient avant l’expiration dudit délai, il n’y a pas lieu à résiliation.
Le bailleur qui entend mettre en jeu la clause résolutoire de plein droit pour défaut de paiement des loyers et charges postérieures au jugement d’ouverture, est tenu de délivrer un commandement de payer (Art. L. 145-41 C. de com.).
A cet effet, le bailleur devra mettre en cause : l’administrateur (ou le liquidateur), le mandataire judiciaire, et le locataire.
L’administrateur ou le liquidateur pourra solliciter des délais de grâce tant que la résiliation du bail n’est pas constatée par une décision passée en force due chose jugée.
Il conviendra de notifier aux créanciers inscrits la résiliation.
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2ème motif : l’absence de réponse du liquidateur après un délai d’un mois à compter de la mise en demeure par le bailleur de se prononcer sur la poursuite du bail.
Avant l’expiration du délai d’un mois, le juge-commissaire peut impartir un délai plus court ou accorder un délai plus long au liquidateur pour se prononcer, sans que ce délai ne dépasse deux mois.
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3ème motif : un manquement du locataire antérieur au jugement d’ouverture, autre qu’une obligation de paiement
Dans une telle hypothèse, le bailleur peut agir dès qu’il le souhaite en cas de sauvegarde ou de redressement.
Une telle action n’est ni interrompue ni interdite (Art. L 622-21 du C. de com). Aucun délai n’est requis. Sont ainsi notamment recevables les actions en résiliation pour violation de l’obligation de garnir les lieux loués, de respecter la destination des lieux loués, d’entretenir les lieux loués, d’obtenir l’accord du bailleur pour sous-louer, de ne pas troubler les autres locataires par des nuisances sonores .
En cas de liquidation judiciaire, le bailleur peut invoquer les manquements antérieurs au jugement ouvrant la liquidation judiciaire.
En cas de conversion d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire en liquidation, il peut invoquer les manquements antérieures au jugement d’ouverture de la procédure qui a précédé cette conversion (Art. L 641-12, 2°).
Si le bailleur n’a pas déjà introduit une telle demande au cous de la sauvegarde ou du redressement qui a précédé la liquidation il doit alors le faire dans les 3 mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire (Art. L. 641-12 C. de com.).
Cas n°3 : le bail peut être cédé suite à l’ouverture d’une procédure collective du locataire ?
La cession du bail commercial peut intervenir soit dans le cadre de la cession totale ou partielle de l’entreprise du locataire, soit de manière isolée.
1. Cession du bail dans le cadre de la cession l’entreprise du locataire
Les procédures de redressement ou de liquidation judiciaire peuvent aboutir à la cession partielle (cession d’une branche d’activité autonome) ou totale de l’entreprise du locataire. En cas de sauvegarde, seule la cession partielle peut être envisagée.
L’offre du repreneur doit comporter la liste des contrats inclus dans cette offre. Le Tribunal qui retient une offre de reprise détermine les contrats de location nécessaires au maintien de l’activité, sans pouvoir imposer leur transfert au repreneur s’il ne réclame pas.
Dans la mesure où la cession du fonds de commerce n’implique pas nécessairement celle du bail des locaux dans lesquels le fonds est exploité, celle-ci doit être décidée expressément dans le plan et le tribunal vérifie le caractère nécessaire du bail au maintien de l’activité.
Le bailleur doit être convoqué à l’audience lors de laquelle le Tribunal statuera sur la cession du bail au moins 15 jours avant. Attention, l’agrément du bailleur n’est pas nécessaire, et même si le bail contient une clause stipulant le contraire.
Toutes les clauses du bail sont applicables au repreneur, à l’exception de celles qui sont restrictives à la cession qui seront privées d’effet, à savoir : l’accord écrit du bailleur à la cession, le droit de préférence ou de préemption du bailleur, les exigences de formes (acte authentique), la clause de solidarité entre le cédant et le repreneur, mais également me droit de préemption de la commune.
Le jugement qui arrête le plan emporte cession du bail s’il a été jugé nécessaire par le Tribunal au maintien de l’activité (L. 642-7 al 2 du C. de Com). Toutefois, le transfert des droits et obligations du bail ne prendront effet qu’à la date :
– de la conclusion des actes de cession ou de la prise de possession par le repreneur ;
– de la prise de possession par le repreneur en vertu du jugement ;
– de l’autorisation de l’administrateur lorsqu’elle intervient antérieurement à ces actes.
Ainsi, le cessionnaire sera tenu aux créances qu’à compter de la période postérieure à la date ainsi fixée. Il pourra être tenu aux loyers antérieurs à la cession que s’il en a pris l’engagement, lequel pourra constituer tout ou partie du prix de cession.
Le repreneur du fond de commerce devra exécuter le bail commercial aux conditions applicables au jour du jugement d’ouverture. Toutefois, le tribunal pourra autoriser le cessionnaire à ajouter à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires
2. Cession isolée du bail
La cession d’un bail commercial, en dehors du plan de cession, peut intervenir en cas de liquidation judiciaire. Le juge-commissaire soit ordonnera la cession du bail aux enchères publiques, soit autorisera, aux conditions qu’il détermine, la vente de gré à gré des biens non compris dans le plan de cession (L. 642-19).
Le mandataire liquidateur (ou l’administrateur judiciaire s’il en a été désigné un) peut céder le bail dans le respect des clauses prévues dans ledit bail. Ainsi, les clauses relatives au droit de préférence du bailleur ou à un tiers, à l’agrément du bailleur, ou encore du droit de préemption de la commune doivent être respectées si elles y sont insérées.
La cession du droit au bail autorisée par le juge-commissaire et acceptée par le bailleur se fait aux conditions applicables au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective. Le bailleur peut exiger le respect de la destination de l’activité prévu au bail, sauf indemnisation.
Si le bailleur ne peut pas se prévaloir de la clause imposant la solidarité du cédant avec le cessionnaire, étant réputée non écrite (L. 641-12 al 5), il peut en revanche invoquer celle de la garantie solidaire du cessionnaire vis-à-vis de son cédant pour les sommes dues à la date de la cession.
Comment le bailleur peut-il récupérer les loyers impayés dus avant l’ouverture de la procédure collective ?
La protection accordée par la loi au locataire d’un bail commercial en situation de procédure collective doit inciter les bailleurs à la vigilance et la réactivité. Dès la constatation d’un impayé de loyer, le bailleur a intérêt à mettre en œuvre sans tarder la clause résolutoire prévue dans le bail, afin d’augmenter les chances d’obtenir une décision définitive constatant la résiliation avant que le locataire ne dépose le bilan.
La suspension des poursuites tendant à la résiliation du bail pour défaut de paiement avant l’ouverture du jugement d’une procédure collective
Le jugement ouvrant la procédure collective interrompt ou interdit toute action en résiliation ou en résolution judiciaire à l’encontre du locataire pour défaut de paiement de loyers et de charges avant l’ouverture dudit jugement : c’est la suspension des poursuites individuelles. Si la clause de résiliation de plein droit ou si la résiliation judiciaire du bail est acquise définitivement avant l’ouverture de la procédure, le bail ne peut être ni continué ni cédé. Le bailleur pourra expulser son locataire y compris pendant la période d’observation.
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Interdiction des poursuites
Les créanciers qui n’avaient pas encore engagé de poursuite le jour du jugement d’ouverture ne peuvent plus le faire. Ils doivent procéder à la déclaration de leur créance auprès du mandataire judiciaire ou du liquidateur dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement au Bodacc.
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Interruption des poursuites
Au moment de l’ouverture de la procédure collective, l’action en résiliation ou en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire qui avait déjà été engagée auparavant par le bailleur est interrompue.
Elle sera reprise sous deux conditions cumulatives :
– le bailleur a déclaré sa créance et a remis au greffe du tribunal saisi de l’action en résiliation une copie de cette déclaration ;
– il a mis en cause le mandataire judiciaire, ainsi que le cas échéant l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan ou le liquidateur en cas de liquidation.
L’instance en cours est ensuite reprise devant le juge saisi initialement –mais non devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective ou le mandataire-judiciaire-, en présence du mandataire judiciaire ou du liquidateur. Cette instance tend uniquement à faire constater la créance du bailleur et à la fixation de son montant, sans que le juge condamne le locataire à la payer. Une fois le montant de sa créance constatée par le juge, le bailleur transmet copie de la décision au greffe du tribunal ayant ouvert la procédure collective afin qu’elle soit portée sur l’état des créances du locataire.
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Arrêt des mesures d’exécution
Après l’ouverture d’une procédure collective, toutes les mesures d’exécution sont interrompues. Le créancier ne pourra plus faire procéder à des saisies pour l’exécution de décisions de justice qu’il a obtenues avant le jugement d’ouverture, ni continuer des saisies déjà commencées, sauf si elles ont produit leur effet attributif avant le jugement d’ouverture.
Déclarer sa créance dans un délai de deux mois à l’administrateur
En cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du locataire, le bailleur doit déclarer sa créance de loyers et de charges antérieure dans le délai légal de 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bodacc.